Publié le 06-03-2018

La Russie coupe le gaz à l'Ukraine

La Russie a mis sa menace à exécution lundi et décidé de couper le gaz à l'Ukraine après l'échec de leurs négociations, au risque d'affecter l'Europe et d'aggraver le pire conflit sur le continent depuis la fin de la guerre froide. 



La Russie coupe le gaz à l'Ukraine

Les dirigeants pro-occidentaux ukrainiens avaient espéré parvenir à un accord de dernière minute dimanche soir à Kiev dans le volet énergétique qui les oppose à Moscou, alors que le pays est confronté à une violente insurrection pro-russe dans l'Est. Mais à l'expiration de son ultimatum lundi à 8 heures (heure de Paris), le géant semi-public russe Gazprom a annoncé qu'il mettait ses menaces à exécution : il ne fournira plus à l'Ukraine que ce qu'elle réglera en avance.

Gazprom a en outre averti Bruxelles "de possibles perturbations" des livraisons de gaz vers l'Union européenne si l'Ukraine prenait du gaz destiné au transit. Environ 15 % du gaz consommé en Europe transite par le territoire ukrainien. L'ultimatum imposé à Kiev pour régler une dette atteignant au total 4,5 milliards de dollars ayant expiré, "Gazprom, en vertu du contrat en vigueur, a passé Naftogaz (groupe ukrainien) à un système de prépaiement pour les livraisons de gaz", a indiqué le groupe dans un communiqué. "Naftogaz reçoit son gaz pour les volumes qu'elle paye. Rien n'a été payé, donc rien" ne sera livré, a précisé le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov.

Cour d'arbitrage internationale

Gazprom a aussi annoncé lundi avoir saisi la cour d'arbitrage internationale de Stockholm concernant la dette gazière de l'Ukraine, répliquant ainsi à la menace de procédure de Kiev concernant le prix du gaz en vigueur. Tard dimanche soir, les responsables ukrainiens et les Européens avaient dit encore espérer un compromis dans cette troisième guerre du gaz, après les précédents conflits de 2006 et 2009 qui avaient perturbé les approvisionnements de l'UE. À Bruxelles, la Commission européenne avait déclaré dans un communiqué être "convaincue" qu'un accord entre Kiev et Moscou était encore possible.

Kiev a refusé la hausse des prix décidée par Moscou après l'arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février, conséquence de la chute du président pro-russe Viktor Ianoukovitch : les 1 000 mètres cubes de gaz sont alors passés de 268 à 485 dollars, un prix sans équivalent en Europe. Dans sa "dernière offre", Moscou avait proposé 385 dollars. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dénoncé dimanche "l'arrogance" de Kiev qui "rejette un compromis raisonnable", ce qui s'expliquerait, selon lui, par l'ingérence d'un "État tiers". Après l'espoir d'une détente né des premiers contacts entre le président russe Vladimir Poutine et le nouveau chef de l'État ukrainien Petro Porochenko, le ton est monté entre Kiev et Moscou au cours du week-end.

Loi martiale dans l'Est ?

Le président pro-occidental ukrainien a promis une "réponse adéquate" aux séparatistes après l'attaque contre l'avion abattu à Lougansk (49 morts), la plus meurtrière pour l'armée ukrainienne depuis le lancement, le 13 avril, d'une opération militaire dans l'Est séparatiste pro-russe qui a fait plus de 300 morts. L'introduction de la loi martiale dans l'Est rebelle "sera abordée" lundi lors d'une réunion du conseil de sécurité nationale et de défense convoqué par Petro Porochenko, a indiqué dimanche le ministre ukrainien de la Défense, Mikhaïlo Koval.
Petro Porochenko avait présenté la semaine dernière à Vladimir Poutine son plan de paix, faisant naître l'espoir d'une détente mise à mal après l'attaque de Lougansk revendiquée par les insurgés pro-russes. Les États-Unis ont réaffirmé vendredi que la Russie avait fourni aux séparatistes dans l'est de l'Ukraine des chars et des lance-roquettes, du matériel qui a franchi ces derniers jours la frontière entre les deux pays.

La décision de Gazprom intervient après un week-end particulièrement tendu après des incidents samedi devant l'ambassade russe en Ukraine, en marge d'une manifestation pour protester contre l'attaque meurtrière de Lougansk. La diffusion dimanche d'une vidéo montrant le ministre ukrainien des Affaires étrangères insultant le président russe Vladimir Poutine a rajouté à l'indignation de Moscou. Sur ces images, Andriï Dechtchitsa, venu calmer la foule, dit aux manifestants qu'il est prêt à exiger avec eux que la Russie se retire de l'Ukraine et lâche "Poutine connard", un slogan lancé par des supporteurs de football il y a plusieurs semaines et devenu depuis en Ukraine un refrain très populaire.
Plusieurs hauts responsables russes ont crié au scandale et appelé le président ukrainien à limoger Andriï Dechtchitsa. Un manifestant avait décroché samedi le drapeau russe tandis que d'autres ont renversé les voitures diplomatiques, jeté des pavés et un cocktail Molotov sur le bâtiment.
 


Le Point

Dans la même catégorie