Publié le 23-10-2025
S.E. Roderick Drummond ambassadeur du Royaume-Uni : La Tunisie unit la force de ses racines à l'élan du futur
Au détour d’une partie de dama – le jeu de société que les Tunisiens appellent ainsi et que les Britanniques nomment backgammon –, S.E. Roderick Drummond, ambassadeur du Royaume-Uni en Tunisie, partage un moment de simplicité et de réflexion.

Entre deux coups de dés, le diplomate britannique évoque les parallèles entre le jeu, la stratégie et l’art de la diplomatie : « Les jeux nous apprennent la patience, l’anticipation, le respect et la stratégie. En diplomatie, c’est exactement la même chose : il faut savoir attendre, observer et agir au bon moment. »
Une relation fondée sur la confiance et les opportunités
En poste depuis un peu plus d’un an, Roderick Drummond se dit « optimiste » et « plein d’énergie » face à la relation entre la Tunisie et le Royaume-Uni. Selon lui, « il y a plus d’opportunités que de défis ». Il évoque la coopération sécuritaire, un pilier essentiel pour bâtir la confiance, mais aussi le développement économique, la culture et le commerce. « La confiance crée des ponts vers d’autres domaines, comme l’investissement et la culture. Et nous avons cette confiance. »
Pour l’ambassadeur, la Tunisie est une terre unique, à la croisée de l’Europe et de l’Afrique, où chaque région possède une identité forte. « La Tunisie a une géographie exceptionnelle. Elle est naturellement connectée à l’Europe, mais conserve une âme profondément méditerranéenne et africaine. »
Tourisme : un renouveau britannique
Parlant chiffres, Drummond souligne une reprise impressionnante du tourisme britannique en Tunisie. « Nous dépassons les 400 000 visiteurs cette année, soit le niveau d’avant 2011. Les vols sont pleins, les touristes reviennent avec enthousiasme. » Mais pour lui, le défi de demain est de valoriser davantage cette présence : « Le prochain pas, c’est d’attirer des visiteurs qui dépensent plus, qui découvrent la richesse culturelle, l’histoire, le golf, le bien-être, l’artisanat. Trop de visiteurs se limitent aux plages, alors que la Tunisie est un musée à ciel ouvert. »
Il souligne aussi l’importance de la nouvelle campagne du Ministère du Tourisme, qui repositionne le pays dans l’imaginaire britannique : « Elle montre au monde une Tunisie moderne, culturelle, sportive et ouverte. »
Investissement, énergie et innovation
L’ambassadeur évoque également la dynamique économique : plusieurs entreprises britanniques investissent déjà en Tunisie, notamment dans l’industrie et l’énergie. « Une entreprise que nous avons accompagnée a ouvert une usine à Sfax après 17 ans de séjours touristiques. Elle emploie aujourd’hui plus de 200 personnes. C’est un bel exemple de transformation de l’amour du pays en engagement économique. »
Parmi les secteurs stratégiques, l’énergie renouvelable arrive en tête. « La Tunisie a un potentiel immense en solaire et en éolien. Le projet de connexion électrique vers l’Italie changera la donne. Nous voulons accompagner cette transition et créer des emplois qualifiés à long terme. » Le diplomate insiste : « Passer du gaz importé à une énergie propre et locale, c’est l’avenir. Et la Tunisie a les ingénieurs et les scientifiques pour réussir ce virage. »
L’agroalimentaire, un levier de croissance partagée
Autre sujet majeur : l’agriculture et l’agro-industrie. Le Royaume-Uni et la Tunisie ont signé un accord de libéralisation agricole qui entrera en vigueur début 2026. « Cela permettra plus d’exportations tunisiennes vers le marché britannique : huile d’olive, produits de la mer, fruits, légumes… Et en retour, cela donnera accès à des intrants à prix compétitif pour soutenir les producteurs tunisiens. C’est un accord gagnant-gagnant. »
Les jeunes, piliers de l’avenir
Pour Roderick Drummond, l’avenir de la coopération repose sur la jeunesse et l’éducation. Il met en avant les programmes d’échanges comme les bourses Chevening et les liens universitaires croissants entre les deux pays. « Nous devons aider les jeunes Tunisiens à acquérir les compétences des métiers de demain : énergie verte, technologie, langues, ingénierie. L’anglais est une porte ouverte sur le monde, et le British Council fait un travail formidable dans ce domaine. »
Une Tunisie inspirante et artistique
La dimension culturelle occupe aussi une place essentielle dans la vision de l’ambassadeur. Amateur d’art et de musique, il confie avoir été profondément touché par la richesse artistique du pays : « Voir Lotfi Bouchnak sur scène à Hammamet a été un moment exceptionnel. Cet artiste incarne la profondeur et l’âme tunisienne. »
Il cite aussi sa fascination pour les potières de Sejnane, inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO, qu’il a visitées avec émotion : « Ces femmes perpétuent un savoir-faire ancestral transmis de mère en fille. C’est une véritable leçon de résilience et de beauté. »
Son épouse, Yasmine, peintre, ajoute : « Les couleurs, les textures et les paysages de la Tunisie m’inspirent déjà. Il y a ici un mélange d’ancien et de moderne, de bruit et de silence, de mer et de désert — une richesse infinie pour un artiste. »
De la cérémonie du thé britannique aux saveurs du thé tunisien aux amandes, la rencontre se termine sur une note de partage. « La Tunisie est un pays d’émotions vraies », conclut Drummond. « Les sourires sont sincères, les gens sont chaleureux. C’est ce qui crée des ponts durables entre les peuples. »
En un an à Tunis, Roderick Drummond a déjà parcouru le pays, du nord au Sahel, mais rêve encore du Sud. « J’ai hâte de découvrir Tozeur et Tataouine. Chaque région a une âme. La Tunisie est pleine de surprises. »
Une phrase qui résume sa vision : la diplomatie, comme la vie, est un art d’équilibre entre patience, découverte et passion humaine.
