Publié le 06-03-2018

Cliniques en Tunisie : Des pratiques pas toujours nettes !

En Tunisie, le secteur des cliniques est en belle forme. Celles-ci  sont légitimement réputées pour la qualité de leurs soins. Pourtant, le tableau n’est pas tout blanc. En cause, certaines dérives déontologiques qui sèment  le trouble dans l’esprit des clients... pardon, des patients.  Enquête à suivre !



Cliniques en Tunisie : Des pratiques pas toujours nettes !

Par Samir Bouzidi
 
Lu sur le nouveau numéro du magazine 00216 (magazine des Tunisiens de l'étranger) distribué en France.
 
 
En Tunisie, le secteur des cliniques est en belle forme. Celles-ci  sont légitimement réputées pour la qualité de leurs soins. Pourtant, le tableau n’est pas tout blanc. En cause, certaines dérives déontologiques qui sèment  le trouble dans l’esprit des clients... pardon, des patients.  Enquête à suivre !
 

En seulement quelques petites années, le secteur des cliniques en Tunisie s’est considérablement assaini, les meilleures unités renouant même avec des  résultats éclatants.  Un corps médical hautement qualifié, des équipements high-tech, une gestion rigoureuse et une stratégie opportuniste  sont les ingrédients de cette réussite spectaculaire.
 

De l’avis de plus d’un Tunisien de l’étranger, ces cliniques n’ont rien à envier à celles que l’on fréquente dans les beaux quartiers de Paris.
Une belle success-story en chiffres : les 120 cliniques que compte le pays auraient déjà accueilli plus de 250 000 patients étrangers. Aux premiers rangs, on trouve les ressortissants libyens, algériens, français…
 

Pourtant, et c’est un secret de polichinelle, les manquements à la déontologie médicale ne sont plus aussi rares que d’antan et les arnaques tendent à se multiplier. Dans ce secteur, l’omerta entre professionnels est la règle,  mais cela ne suffit plus à faire taire l’écho des nombreuses plaintes judiciaires déposées par des patients se sentant  lésés. En cause, la médecine business et ses dérives !
 

Dans certaines cliniques, la course aux clients ne fait pas toujours bon ménage avec  le serment d’Hippocrate.
 

Le jargon médical est désormais supplanté par  les maitres mots : rentabilité, chiffre d’affaires, taux d’occupation (des chambres, des équipements…), fidélisation matérielle des médecins...
 

Les arnaques pratiquées  visent toutes un même objectif : générer du chiffre d’affaires additionnel (dont des honoraires médicaux) non justifié médicalement. De tels comportements sont suffisamment graves pour être qualifiés d’abus de faiblesse et répréhensibles judiciairement.
Dans ce modèle, les Tunisiens de l’étranger et les clients étrangers sont des cibles de choix : soins d’urgence, méconnaissance des us et coutume et du droit local, pouvoir d’achat supérieur, paiement en euros et en cash…
 
 
En bout de chaîne, le patient subit, impuissant, ces comportements.

Devant l’opacité du système, prévoir sa facture (et son budget)  relève du pur pronostic. Au final, le patient se résigne à payer le prix fort, non sans un certain trouble, consumant doucement mais sûrement sa relation de confiance avec le praticien (et sa clinique).

Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur une profession dont la grande majorité des effectifs est composée de professionnels émérites et exemplaires. Pour l’instant, ces manquements sont le fait de quelques brebis galeuses. Pour la dignité du corps médical et le développement pérenne du secteur, Il est urgent d’endiguer la prolifération de telles pratiques. 
Dans son malheur, le patient sait qu’il peut compter sur le puissant ministère de la Santé et sur l’Ordre des médecins qui veillent et n’hésitent pas à sanctionner durement les écarts  avérés.

 

Chiffres clés

•    120 cliniques privées, 220 laboratoires d’analyses médicales, 120 cabinets de radiologie, 100 centres d’hémodialyse.
 
Trois secteurs de soin

•    Secteur public, avec plus de 85 % des capacités en lits (centres de santé de base, hôpitaux de circonscription et régionaux et CHU)
•    Secteur parapublic avec six polycliniques de la Cnam
•    Secteur privé : 76,6 % des lits privés se trouvent dans la zone du grand Tunis.
 
Principes tarifaires

En général une facture est composée des 7 postes tarifaires ci-dessous :

1.    Frais d’hébergement et restauration
2.    Honoraires médicaux
3.    Location d’équipements
4.    Frais de médicaments
5.    Frais de consommables
6.    Frais d’exploration radio et labo
7.    Frais de transport médicalisé

Fourchettes de tarifs HT :
 
•    Frais de séjour pour une chambre : entre 60 et 150 dt/jour
•    Frais de lit de réanimation : entre 400 et 60 dt/jour
•    Scanner cérébral : entre 150 et 200 dt
•    IRM  : 500 dt
•    Consultation : 30 à 40 dt
•    Les actes médico-chirurgicaux sont codifiés, par exemple : Appendicéctomie entre 350 et 500 dt


Quelques arnaques révélées…

•    Prescriptions abusives non justifiées médicalement (nouveaux examens, analyses...).
•    Prolongement abusif de la durée de séjour (exemple : dans le cas d’une mort clinique, le séjour est prolongé de 3 à 4 jours).
•    Technique du « cross selling » entre plusieurs spécialistes. Le spécialiste traitant multiplie des avis médicaux non justifiés auprès de confrères
d’autres spécialités qui ne manqueront pas de lui renvoyer l’ascenseur. 
•    Des  matériels « placés » dans la chambre  du patient et facturés sans aucune justification médicale.
•    Un dossier médical qui n’est pas systématiquement remis au patient (ou délibérément incomplet), ce qui prive ce dernier d’une contre-expertise efficace.
•    Des paiements d’honoraires exigés en cash (ce qui servirait notamment à rémunérer « au noir » le nombreux personnel médical fonctionnaire travaillant dans les cliniques).
•    Une chambre individuelle facturée comme telle et utilisée pour loger deux ou trois patients (notamment dans le cas de patients assurés Cnam).
•    Matériel et consommable à usage unique, facturés à un premier client, puis réutilisés jusqu’à deux ou trois fois après leur re-stérilisation (et, bien
entendu, refacturés autant de fois).
•    Des prix de médicaments facturés au détail alors qu’ils sont achetés au gros (interdit car ne sont pas pharmaciens)
•    Facturation au patient de frais téléphoniques pour joindre le médecin absent pour prescrire le traitement.
•    L’argument de la pénurie du sang, pour favoriser le paiement de pourboires ou frais exceptionnels.


Les conseils de notre expert
Dr Samy ALLAGUI, médecin généraliste à Tunis

Le docteur Allagui est expert auprès des tribunaux, médecin de confiance de l'ambassade d'Allemagne et ancien vice-président du conseil de l'Ordre des médecins de Tunis.

•    Lors de l’admission en clinique se munir du dossier médical complet ainsi que du traitement en cours et de tous les justificatifs d’assurance sociale (carte d’assuré social caisse étrangère, mutuelles…)

•    Respecter la filière de soins. Commencer par solliciter l’avis de votre médecin de confiance (ou celui de vos proches). Ne vous rendez pas directement en clinique !

•    Gardez le contact avec votre médecin traitant en France. Adresser lui sans hésiter votre dossier médical, les différents avis et analyses…Il vous connait parfaitement et  vous donnera une aide précieuse.

•    Privilégiez le recours aux médecins agrées par votre ambassade et les cliniques conventionnées avec les organismes sociaux de votre pays de résidence. En cas de recours, les choses seront moins compliquées.

•    Exigez systématiquement l’application de la  nomenclature des soins médicaux. En Tunisie, cette règle appelée communément « KC » fait référence et fixe les prix  de l’intégralité des soins dispensés en clinique. Sur votre demande, le personnel de clinique est tenu de s’y soumettre. En cas de problème, contactez l’ordre des médecins.

•    Dans le cas de chirurgie à froid (hors urgence), sollicitez deux ou trois avis et devis comparatifs. Faites les analyser par votre médecin de confiance.

•    Dans la mesure du possible, favorisez les paiements par chèque ou carte bancaire. En aucun cas, le paiement en espèce peut vous être imposé et encore moins une caution par chèque à blanc. Exigez systématiquement votre facture.

•    Ne quittez pas la clinique sans l’intégralité de votre dossier médical (analyses, radios, avis…)

•    En cas de doute, n’hésitez pas à contacter le Ministère de la santé ou l’ordre des  médecins.
 
 
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