Publié le 06-03-2009

Chronic’art : Le livre des violences : Extrait

 

Chaque quinzaine, on vous présente, un auteur, un musicien, un peintre, un photographe, en un mot, un artiste ou son œuvre. Cette semaine, actualité oblige, je vous présente Le livre des violences de William T. Vollman.



Chronic’art : Le livre des violences : Extrait

 

Chaque quinzaine, on vous présente, un auteur, un musicien, un peintre, un photographe, en un mot, un artiste et/ou son œuvre.

Cette semaine, actualité oblige, je vous présente Le livre des violences de William T. Vollman.

Le livre des violences est le fruit de deux décennies de voyages, de lectures et de recherches de William T. Vollman, écrivain et journaliste américain. Le livre a d’abord été publié en sept volumes aux Etats-Unis, avant de paraître en version française abrégée en septembre 2009.

La première partie du Livre des Violences est une partie théorique qui parle de l’histoire de la violence et vise un tant soit peu à catégoriser ethniquement la violence à travers son histoire. La deuxième partie, est à contrario, plus concrète, avec des études de cas que l’auteur a ou réellement vivre, notamment dans l’ex-Yougoslavie, Malaisie et Somalie.

 

Extrait :

PENSÉES DES CATACOMBES

La mort est ordinaire. Regardez-la, soustrayez ses structures et ses leçons de celles de la mort qu’apportent les armes, et peut-être le résidu montrera-t-il ce qu’est la violence. Avec ceci en tête, je marchai dans les longs tunnels des catacombes parisiennes. Des murs de terre et de pierre en entouraient d’autres, de mortalité, épais d’une longueur de fémur : de longs os jaunes et bruns empilés parallèlement, leurs pointes dirigées vers l’extérieur comme des briques fondues dont les extrémités pendouillaient, comme des sourires osseux pointant vers le bas, comme des escargots jaunes de macaronis croupis - jointures d’os, têtes a’os, se touchant confusément, obscurité au centre de chacun, entre ces saillies d’articulation jumelles qui avaient autrefois aidé un autre os à pivoter, guidant et soutenant ainsi la chair dans son mouvement passionné, et parfois intelligent, vers la mort qu’elle rencontrerait inévitablement - des fémurs par rangées, donc, des humérus, des os sur des os, et toutes les quelques rangées il y avait un rayonnage d’os pour étayer la mort, une ligne d’humérus et de fémurs disposés latéralement pour produire un effet de maçonnerie presque plaisant, en fait, conforme aux maximes de la profession, telles qu’interprétées par les ingénieurs de Napoléon et les maçons de la mort, qui sur ordre du nouveau souverain avaient élaboré et organisé ce bois flottant mortuaire selon une esthétique sanitaire (l’Empereur a-t-il jamais visité cet endroit? Il n’avait pas peur de la mort - ni même de la causer.). Puis il y avait des chambres latérales aux murs d’os pareillement croisés sur des poutres d’os, d’où de temps en temps un crâne jetait un regard inutile ; et de-ci de-là quelques esprits spirituels avaient orné la façade d’une croix de fémurs. Ici avaient été déposés, me dit-on, les restes d’environ six millions de personnes - soit notre total classique des Juifs morts dans l’Holocauste. Le crime commis par les Nazis, au prix d’immenses efforts, en une demi-douzaine d’années, la nature l’avait accompli ici sans peine ni recours, et continuait.

Le Livre des Violences de William. T. Vollman, traduit par Jean-Paul Mourlon. Edition Tristram

 

Sarah B.H

 

 


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