Publié le 25-12-2025
Entreprises publiques : un poids budgétaire sous-estimé
Source : Rapport National sur l’Entreprise en Tunisie – Année 2025, première édition, publié par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE). Données issues du Registre National des Entreprises (RNE), de la Direction Générale des Impôts (DGI) et des enquêtes de la Banque mondiale.

Longtemps considérées comme des piliers stratégiques de l’économie nationale, les entreprises publiques tunisiennescontinuent d’occuper une place centrale dans les secteurs de base. Pourtant, derrière leur rôle historique et social, se cache une réalité budgétaire souvent minimisée dans le débat public : leur coût pour les finances de l’État est devenu structurellement lourd.
Un déséquilibre financier persistant
Le rapport met en évidence un constat sans ambiguïté : les flux financiers entre l’État et les entreprises publiques sont durablement déséquilibrés. Subventions, recapitalisations et avances dépassent largement les montants reversés au budget de l’État. Cette situation se traduit par un déficit chronique, qui contribue de manière significative au déficit budgétaire national.
En moyenne, la charge nette des entreprises publiques représente plus d’un cinquième du déficit de l’État, un niveau difficilement soutenable dans un contexte de tensions budgétaires, d’endettement élevé et de marges de manœuvre financières limitées.
Un paradoxe économique et social
Le paradoxe est frappant : alors que les entreprises publiques emploient une part relativement faible de l’emploi formel, leur poids budgétaire est disproportionné. Les rémunérations moyennes y sont nettement supérieures à celles du secteur privé, tandis que la productivité et la rentabilité restent insuffisantes pour assurer leur viabilité financière.
Ce décalage alimente une double pression :
- sur le budget de l’État, contraint de compenser les pertes,
- et sur le secteur privé, appelé à financer l’effort fiscal sans bénéficier d’un environnement plus favorable à l’investissement.
Gouvernance et performance : le nœud du problème
Au cœur de cette situation se pose la question de la gouvernance des entreprises publiques. Faible autonomie managériale, objectifs flous, interférences politiques et absence de mécanismes de responsabilisation pèsent lourdement sur leur performance économique.
Le rapport souligne que le problème n’est pas uniquement financier, mais structurel: tant que les entreprises publiques fonctionneront sans exigences claires de rentabilité, de productivité et de transparence, leur dépendance vis-à-vis du budget de l’État perdurera.
Réformer sans casser le rôle stratégique
Réformer les entreprises publiques ne signifie pas renoncer à leur rôle stratégique ou social. Il s’agit plutôt de redéfinir leur mission, d’améliorer leur efficacité et de limiter leur impact négatif sur les finances publiques.
Cela suppose :
- une clarification des missions économiques et sociales,
- une réforme de la gouvernance et du pilotage,
- une évaluation rigoureuse de la performance,
- et, dans certains cas, une ouverture maîtrisée au partenariat privé.
Une réforme incontournable pour la soutenabilité budgétaire
Le rapport est clair : la soutenabilité budgétaire de la Tunisie passe inévitablement par la réforme des entreprises publiques. Continuer à reporter cette transformation revient à maintenir une pression croissante sur le budget de l’État, au détriment de l’investissement, de la croissance et de l’équité économique.
Réformer les entreprises publiques n’est plus une option idéologique, mais une nécessité économique, au cœur de tout projet sérieux de relance et de redressement des finances publiques.
