Publié le 25-12-2025
Économie informelle : concurrence déloyale ou soupape sociale ?
Source : Rapport National sur l’Entreprise en Tunisie – Année 2025, première édition, publié par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE). Données issues du Registre National des Entreprises (RNE), de la Direction Générale des Impôts (DGI) et des enquêtes de la Banque mondiale.

L’économie informelle est l’une des réalités les plus visibles, mais aussi les plus sensibles, du paysage économique tunisien. Présente dans le commerce, les services, l’artisanat et l’agriculture, elle structure une part importante de l’activité quotidienne. Problème économique majeur pour certains, filet de sécurité indispensable pour d’autres, l’informel cristallise un débat complexe, souvent réduit à des positions caricaturales.
Une réalité sociale impossible à ignorer
Pour une large partie de la population, l’économie informelle constitue une solution de survieface au chômage, à la précarité et à la faiblesse de l’emploi formel. Elle permet de générer des revenus immédiats, sans barrières administratives ni charges élevées.
Dans un contexte de tensions sociales persistantes, l’informel joue ainsi le rôle de soupape sociale, absorbant une pression que l’économie formelle n’est pas en mesure de supporter seule. Le nier reviendrait à ignorer une réalité socio-économique profondément ancrée.
Une concurrence déloyale pour l’entreprise formelle
Mais cette fonction sociale a un coût économique élevé. Le rapport souligne que les entreprises formelles, notamment les PME, subissent une concurrence directe et déloyalede la part d’acteurs non déclarés. Ces derniers échappent à la fiscalité, aux charges sociales et aux obligations réglementaires, créant une distorsion profonde du marché.
Résultat : les entreprises qui respectent les règles voient leurs marges se réduire, leur capacité d’investissement s’éroder et leur compétitivité affaiblie. À long terme, cette situation décourage la formalisation et alimente un cercle vicieux.
Informel et fragmentation du tissu économique
L’informel ne freine pas seulement la fiscalité, il fragmente le tissu productif. En restant en dehors des circuits officiels, les acteurs informels échappent aux mécanismes de financement, de formation et d’innovation. Cette exclusion limite la productivité globale de l’économie et empêche la création de chaînes de valeur structurées.
Le rapport met en évidence que les entreprises les plus exposées à la concurrence informelle sont précisément celles qui devraient constituer le socle de la croissance : les PME en phase de développement.
Formaliser sans brutaliser
Face à cette réalité, la réponse ne peut être uniquement répressive. Une lutte frontale contre l’informel, sans alternatives crédibles, risquerait de fragiliser davantage les équilibres sociaux.
L’enjeu est ailleurs :
- offrir des incitations réelles à la formalisation,
- simplifier les démarches administratives,
- adapter la fiscalité aux petites structures,
- et construire une transition progressive vers l’économie formelle.
Dépasser l’opposition stérile
L’économie informelle n’est ni un mal absolu, ni une solution durable. Elle est à la fois une soupape sociale indispensableet un frein majeur au développement économique.
Le véritable défi pour la Tunisie consiste à dépasser cette opposition stérile et à construire des ponts vers la formalisation, capables de préserver la cohésion sociale tout en renforçant la compétitivité et l’équité économique.
