Publié le 06-03-2018

L’Aspirine, un nouvel espoir contre le cancer

Devons-nous tous prendre de l'aspirine pour prévenir un cancer ? La question se pose à nouveau après la publication, mercredi 21 mars, sur le site de l'hebdomadaire médical britannique The lmancet de trois nouvelles études, menées par l'équipe du professeur Peter Rothwell. Elles montrent qu'une prise quotidienne d'aspirine réduit la mortalité et le risque de métastases.



L’Aspirine, un nouvel espoir contre le cancer

Fondateur de l'Unité de recherche sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux à l'université d'Oxford, Peter Rothwell invite toutefois à la prudence : il est trop tôt pour conclure que tout le monde tirerait un bénéfice d'une telle prophylaxie. Un avis qui rejoint celui, unanime, d'autres spécialistes.

Les chercheurs britanniques ont rassemblé des données issues d'essais destinés à l'origine à évaluer les bénéfices, sur le plan cardiovasculaire, d'une prise en continu d'aspirine. Cette méthode, si elle présente l'avantage d'autoriser facilement l'accès aux données de plusieurs dizaines de milliers d'individus, ne présente pas les mêmes garanties qu'une étude spécifiquement conçue pour évaluer les bénéfices d'un médicament vis-à-vis du cancer.

75 Milligrammes

Dans une précédente étude, publiée en décembre 2010, M. Rothwell et ses collègues avaient mis en évidence une réduction d'environ 20 % du risque de décès par cancer chez 25 000 participants traités quotidiennement pendant quatre ans avec une faible dose (75 mg) d'aspirine. Elle atteignait 30 % à 40% après cinq ans de ce traitement.

Les trois nouvelles études confirment la réduction des décès et du risque de tumeurs malignes. Elles montrent aussi une diminution du risque de cancer avec métastases. Les bénéfices sont particulièrement évidents sur les adénocarcinomes, les tumeurs les plus fréquentes.

La première étude regroupe les résultats de 51 essais où les participants étaient répartis, de manière aléatoire, dans un groupe avec aspirine ou un groupe sans aspirine. Le risque de cancer a diminué de 15 % sous aspirine. La réduction atteint 37 % avec une prise pendant cinq ans ou plus. Le bénéfice est déjà perceptible après trois ans de traitement : l'incidence est alors réduite d'environ un quart."C'est énorme", reconnaît Anne Odile Hueber de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (université de Nice), spécialiste du cancer colorectal.

 

Prévention des Métastases

La deuxième étude démontre une réduction de 31 % du risque d'adénocarcinome déjà métastasé lors du diagnostic et de 55 % d'apparition ultérieure de métastases. Dans le cas du cancer colorectal, le risque de métastases ultérieures est même réduit de 74 %.

La prise quotidienne d'aspirine est aussi associée à une diminution des décès dus au cancer chez les personnes qui avaient développé un adénocarcinome, en particulier en l'absence de métastases lors du diagnostic (50 % de réduction)."Ces résultats constituent la première preuve chez l'homme que l'aspirine prévient les métastases à distance des cancers", se réjouissent les auteurs des trois études.

Enfin, la troisième étude situe la réduction du risque de cancer colorectal aux alentours de 40 %.

Dans un commentaire qui accompagne les trois études du Lancet, deux médecins de Harvard saluent ces résultats "incontestables", mais soulignent le problème du risque de saignement inhérent aux effets de l'aspirine qui fluidifie le sang.

Un inconvénient qui tempère les bénéfices de ce médicament. L'équipe de Peter Rothwell a en effet constaté que le risque hémorragique augmente au début des essais, même s'il diminue avec le temps pour disparaître après trois ans de traitement.

"Personne ne se hasardera à recommander sur la seule base de ces études la prise quotidienne d'aspirine en prévention du cancer", affirment en chœur Anne-Odile Hueber, Fabio Calvio, directeur de la recherche à l'Institut national du cancer (INCa), et Dominique Maranichi ancien président de l'INCa.

"Pour savoir à qui et à partir de quel âge donner de l'aspirine, soit en prévention de la survenue d'un cancer, soit pour éviter les métastases ou une récidive, il est indispensable de monter un essai clinique spécifique de grande ampleur. Il appartient aux organismes publics comme l'INCa et à ses homologues dans d'autres pays de le mettre sur pied", estime M. Calvo.

 

Elucider les mécanismes moléculaires

Les chercheurs doivent travailler dans deux directions, selon Mme Hueber: "La première est d'élucider les mécanismes moléculaires expliquant l'effet de l'aspirine sur les cellules tumorales et les étapes initiales du développement d'un cancer. La seconde est de mettre au point des aspirines hybrides, qui conserveraient les avantages en prévention du cancer, sans les effets indésirables."

Un autre point reste à éclaircir. "Nous ne savons pas pourquoi cela ne marche pas avec une prise d'aspirine un jour sur deux", remarque M. Calvo. Peter Rothwell ne serait pas surpris que "les effets d'un traitement pris un jour sur deux, absents à court terme, se révèlent s'il est suivi sur le long terme". Son équipe attend la publication, l'an prochain, des résultats d'un vaste essai sur l'aspirine en prévention cardio-vasculaire, la Women Health Study, pour trancher cette question.


Le Monde
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