Publié le 06-03-2018

Les ‘Dakhla’ du bac, que nous transmettent ces banderoles comme messages ?

La Dakhla du bac sport, un phénomène devenu incontournable, une tradition que les élèves des différents lycées entretiennent depuis des années.



Les ‘Dakhla’ du bac, que nous transmettent ces banderoles comme messages ?

La veille de l’épreuve du bac sport, les élèves se réunissent dans la cour du lycée, dans une ambiance plutôt festive et déroulent depuis le toit de l’établissement des banderoles qu’ils ont eux-mêmes confectionnées.
Le choix du thème et les messages transmis sur ces supports sont l’oeuvre des élèves et l’entrée est accompagnée de musique, de flammes et de fumigènes, en gros, une ambiance qui rappelle celle du stade.

Nous avons discuté avec des lycéens et d’après Eya bachelière dans un lycée de Tunis et Oussema bachelier à Ras Djebel, ce sont les garçons qui s’impliquent plus que les filles dans la préparation de cet événement.

Pour Eya, il s’agit d’une perte de temps et d’argent mais pour Oussema, c’est un moment important qui restera gravé, à jamais dans sa mémoire.
Il justifie l’absence de filles dans l’organisation par le fait qu’elles ne peuvent pas toujours être dans des réunions improvisées dans les garages où tout se prépare. « Mais on les consulte en communiquant par messages et sur les réseaux sociaux ».

Hier, les photos des différentes ‘Dakhla’ ont plu sur les réseaux sociaux et, comme l’année dernière, elles ont fait l’objet d’une polémique importante.

Saddam Hussein enlaçant Aylane

Une phrase grammaticalement fausse, une image jugée historiquement erronée. L’histoire veut que Saddam Hussein soit le dictateur qui a gazé les kurdes (massacre de Halabja 1988) et même si Aylane est syrien, il n’en est pas moins kurde pour autant.

Le lien entre Aylane et Saddam est probablement lié à la région dont ils sont issus tous les deux et qui connait des guerres, le terrorisme, des migrations en massacre, bref… il n’est dit nulle part que les élèves doivent prendre politiquement position mais la plupart de ceux qui n’ont pas apprécié l’image ont reproché aux bacheliers leur mauvaise connaissance de l’histoire.

Propos jugés sexistes : Vous pleurerez comme des femmes une patrie que vous n’avez pas su garder comme des hommes

Cette banderole a été portée par les élèves du lycée d’El-Mourouj avec comme fond le dôme du rôcher, symbole d’Al-Aqsa. Jusque là tout va bien, seul hic, la phrase dit clairement que les hommes ont le rôle de protéger les patries alors que les pleurnicheries sont réservées aux femmes.

Une phrase qui nous vient d’une autre ère, quand Boabdil le dernier roi maure pleurait la chute de Grenade alors que sa mère essayait de l’en empêcher, sévèrement.
A-t-on assez réfléchi la banderole ? Le message est-il une maladresse ou au contraire véhicule-t-il la pensée d’une société masculine où l’homme n’a pas le droit de pleurer et où il tient les rênes ?

Les réactions diffèrent :

Entre ceux qui ont été durs et appelé à la sanction, ceux qui ont appelé les enseignants à faire plus attention et ceux qui appellent à laisser les élèves s’exprimer en paix l’essentiel se perd.

Pour Oussema cette Dakhla est un moment fort, elle symbolise un travail collectif, une union « les trois branches du bac ont travaillé ensemble pour l’organiser et l’émotion était tellement forte au moment de l’événement » nous dit-il.

L’élève insiste sur le fait que cette journée doit être mémorable et doit fédérer, réunir et non disperser « elle ne doit pas être une étincelle » souligne-t-il.
L’année dernière après des ‘Dakhla’ qui ont porté Hitler et Daech comme symboles, les sonnettes d’alarmes ont été tirées poussant le ministre à déclarer que cette année la Dakhla sera encadrée.

Encadrer sans sanctionner et sans être alarmiste :

« Nous sommes des élèves nés en 1997/1998 », nous dit Oussema…

« Des jeunes élèves qui ne connaissent pas l’histoire, et qui voient en des despotes des symboles de pouvoir, de rébellion et de force » nous confie Khomsi Barhoumi, professeur au lycée Mohamed Ali Annabi de Ras Djebel

Son discours à lui reste positif, il voit de la créativité dans cette Dakhla qui est inspirée des manifestations sportives.
« Il faut forcément dénoncer certains slogans mais il faut comprendre que le choc politique n’est pas le même chez eux que chez les adultes » ajoute le professeur de philosophie.

D’ailleurs l’enseignant propose d’encadrer cette manifestation à travers des clubs et des programmes scolaires.

Pousser à la réflexion sans faire de la répression :

Le rôle premier de l’école n’étant pas celui de créer des stéréotypes avec des élèves parfaits qui se ressemblent mais au contraire de leur apprendre à cultiver leurs différences dans la richesse.
Une école où il y a moins de violence, qui pousse à la réflexion à l’interrogation et développer la compétence à faire aussi des choix et où l’on gagne en savoir pour s’affirmer, se construire.

Bref, encadrer pour éviter l’extrémisme certes mais sans sanctionner en créant le débat.

En attendant ce phénomène qui s’ancre chaque année, avec une collecte qui commence dès le début de l’année, des commissions qui se créent nous dit combien nous avons des élèves qui ne sont nullement en marge de ce qui se passe dans le monde et qui essaient de nous transmettre des messages, à nous de les lire.
 


Hajer Boujemâa

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