Publié le 06-03-2018

Lampedusa : Des milliers de Tunisiens en prison

Des milliers de tunisiens débarqués sur les côtes italiennes depuis début 2011 ont été enfermés dans des centres de rétention. A Rome, ils sont une centaine à attendre dans l'angoisse de connaître leur sort.



Lampedusa : Des milliers de Tunisiens en prison

Des grilles qui s'ouvrent et se referment à longueur de journée, interdiction de sortir: ce n'est pas une prison mais on s'y croirait.

Le centre d'identification et d'expulsion de Ponte Galeria, un complexe de béton gris entouré de grilles et murs, près de l'aéroport de Rome, est le plus grand d'Italie. Certains des 250 immigrants illégaux qui y sont retenus rongent leur frein depuis des mois.

"Nous venons chercher la liberté en Italie. S'il n'y a pas de liberté en Italie alors où ? Dans cette cage ? Nous sommes comme des bêtes, nous ne sommes pas des humains", se plaint Mekki, à des journalistes de l'AFP au cours d'une visite étroitement contrôlée par la préfecture de Rome.

Défense de révéler leur identité complète et de filmer leur visage.

Mekki est arrivé de Tunisie il y a un mois, à bord d'un vieux rafiot de pêche sur l'île de Lampedusa en quête d'une nouvelle vie en Europe.

Ce confetti de 20 km, perdu au sud de la Sicile, a reçu ces derniers jours plus de 5.000 migrants dont la moitié dorment dans les rues faute de place dans le centre d'accueil prévu pour 850 personnes.

Au total, 15.000 Tunisiens ont débarqué sur les côtes italiennes depuis la chute, à la mi-janvier, du président Zine El Abidine Ben Ali, soit le triple des arrivées recensées en 2010.

A Ponte Galeria, les migrants tunisiens sont mélangés avec des délinquants de droit commun ou des prostituées, étrangers en instance d'expulsion.

"Je n'arrive pas à croire que je suis dans une prison ! Je n'ai jamais été de ma vie en prison même pas dans un commissariat ou à la préfecture, jamais", s'exclame Hatem, qui ne rêve que d'une chose: retourner en France où il a vécu pendant 4 ans et travailler dans la restauration.

"Nous sommes encore jeunes, nous voulons travailler", explique-t-il en prévenant que lui et les autres perdent patience et pourraient se rebeller.

Comme ses compagnons d'enfermement, ce jeune homme est entré sur le territoire italien sans documents d'identité ni autorisation. Il a donc commis un délit au regard de la loi italienne, modifiée en 2009.

Difficile pour eux d'être reclus et constamment escortés pour aller à la bibliothèque, à la mosquée ou chez le barbier. D'autant que des centaines d'autres Tunisiens, ceux qui ont opté pour une demande d'asile en Italie, ont été envoyés vers des centres "ouverts" d'où ils peuvent sortir en journée et dont ils sont nombreux à s'être déjà échappés.

Pour les tunisiens de Ponte Galeria dont la vie n'est pas considérée comme menacée dans leur pays d'origine, la seule perspective est le retour à la case départ.

Mais même leur rapatriement n'est pas simple: "il n'y a plus de représentant au consulat à Rome pour les identifier et l'accord pour leur réadmission (en Tunisie, ndlr) n'est plus appliqué", explique à l'AFP Paola Varvazzo, adjointe au préfet de Rome. Or, prévient-elle, ils peuvent être "détenus six mois au maximum ici (en Italie, ndlr) puis ils seront relâchés".

Deux ministres italiens en visite vendredi à Tunis ont annoncé une aide de 80 millions d'euros à la Tunisie pour l'aider à stopper les départs de migrants et lui ont demandé de collaborer au "retour volontaire" de ceux qui se trouvent en Italie.


AFP
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