Publié le 25-12-2025
Pourquoi la Tunisie crée peu de champions économiques
Source : Rapport National sur l’Entreprise en Tunisie – Année 2025, première édition, publié par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE). Données issues du Registre National des Entreprises (RNE), de la Direction Générale des Impôts (DGI) et des enquêtes de la Banque mondiale.

La Tunisie ne manque ni d’entrepreneurs, ni d’initiatives, ni même d’entreprises. Pourtant, un constat s’impose avec régularité : le pays crée très peu de champions économiques, capables de s’imposer durablement sur les marchés régionaux et internationaux. Ce déficit n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat de blocages structurels profonds.
Un tissu économique dense mais fragmenté
Le tissu entrepreneurial tunisien est dominé par les micro-entreprises, tandis que les PME et les grandes entreprises restent numériquement limitées. Cette structure empêche la constitution de masses critiquesindispensables à l’investissement, à l’innovation et à l’export.
Créer une entreprise est relativement accessible. La faire grandir est l’exception.La transition entre micro-entreprise, PME et grande entreprise demeure rare, ce qui freine l’émergence de leaders sectoriels.
Grandir, un risque plus qu’une opportunité
Dans l’environnement actuel, la croissance est souvent perçue comme un risque. Se développer implique davantage de contraintes fiscales, sociales et administratives, sans contrepartie claire en termes d’accompagnement ou d’accès aux marchés.
Beaucoup d’entrepreneurs adoptent ainsi une stratégie défensive : rester petits pour survivre, plutôt que grandir pour conquérir. Ce comportement rationnel à l’échelle individuelle devient un frein collectif à la compétitivité nationale.
Financement et innovation : le maillon faible
Les champions économiques naissent de l’investissement et de l’innovation. Or, l’accès au financement de long terme reste limité, en particulier pour les entreprises en phase de croissance. Les capacités de recherche, de développement et de montée en gamme technologique demeurent insuffisamment soutenues.
Sans innovation, sans capital et sans vision exportatrice, les entreprises tunisiennes restent cantonnées à des segments à faible valeur ajoutée, souvent dépendants de la sous-traitance.
Absence de chaînes de valeur structurées
Le rapport souligne également la faiblesse des chaînes de valeur locales. Les grandes entreprises, peu nombreuses, ne jouent pas suffisamment leur rôle de locomotive pour entraîner un réseau de PME performantes autour d’elles.
À l’inverse de nombreux pays émergents, la Tunisie peine à créer des écosystèmes intégrés où les entreprises grandissent ensemble, partagent des compétences et accèdent à des marchés plus vastes.
Conclusion : créer des champions est un choix stratégique
Les champions économiques ne naissent pas spontanément. Ils sont le résultat de choix politiques, économiques et industriels clairs. Tant que la Tunisie privilégiera la multiplication des micro-initiatives au détriment de la structuration et de la montée en gamme, l’émergence de leaders restera marginale.
Créer des champions, ce n’est pas favoriser quelques entreprises, mais élever l’ensemble du tissu productif. Sans cette ambition, la croissance restera fragile, dispersée et insuffisante pour répondre aux défis économiques du pays.
