Publié le 01-11-2025
Câble Medusa à Bizerte : deux opérateurs (TT et Orange) et deux visions pour une même Tunisie connectée
La ville de Bizerte a vécu, ce 1er novembre 2025, un moment historique avec l’atterrissement du câble sous-marin Medusa, reliant la Tunisie à l’Europe à travers une infrastructure de dernière génération.

Mais au-delà de l’exploit technologique, cet événement révèle une singularité : les deux opérateurs du pays, Tunisie Telecom et Orange Tunisie, ont chacun célébré l’arrivée du câble... séparément dans les communiqués mais ensemble lors de l'event.
Dans leurs communiqués respectifs, les deux opérateurs ont mis en avant leur rôle clé dans ce projet stratégique, sans pour autant mentionner la présence de l’autre. Un choix révélateur d’une double lecture du numérique tunisien : d’un côté, une vision institutionnelle et souverainiste portée par Tunisie Telecom ; de l’autre, une approche ouverte et européenne incarnée par Orange Tunisie.

Pour Tunisie Telecom, l’atterrissement du câble Medusa symbolise un renforcement de la souveraineté numérique nationale. Sa paire de fibres de 1 000 km entre Bizerte et Marseille, dotée d’une capacité de 22 Tbps, multiplie par huit la bande passante internationale de l’opérateur historique. Dans une tonalité institutionnelle, la direction met l’accent sur la sécurité, la résilience et la position de la Tunisie comme futur hub régional de la connectivité.

De son côté, Orange Tunisie s’inscrit dans une logique de coopération euro-méditerranéenne. Avec une capacité annoncée de 24 Tbps et la gestion de la station d’atterrissement de Bizerte, l’opérateur valorise le soutien de l’Union européenne et de la Banque européenne d’investissement. Son discours s’aligne sur la stratégie Global Gateway : une connectivité durable et inclusive reliant l’Europe et l’Afrique.
Si les deux opérateurs participent au même projet — porté par AFR-IX Telecom et financé en partie par l’Union européenne — leurs récits divergent. L’un parle de colonne vertébrale nationale, l’autre de pont numérique méditerranéen. Chacun revendique une place centrale dans un projet pourtant commun.
Cette dualité illustre la réalité du paysage télécom tunisien : une coexistence entre un acteur public centenaire et un opérateur privé tourné vers l’innovation. Si cette concurrence stimule les investissements, elle laisse entrevoir un manque de coordination dans la communication nationale autour des grands projets d’infrastructure.
Car au-delà des logiques d’image, le câble Medusa représente un levier stratégique pour l’avenir numérique de la Tunisie : renforcement du cloud, développement des data centers, montée en puissance de l’intelligence artificielle et des services numériques. Autant de chantiers qui gagneraient à être portés par une vision unifiée, où la connectivité ne serait plus un enjeu concurrentiel, mais une ambition collective.
En somme, l’arrivée de Medusa à Bizerte ne connecte pas seulement la Tunisie au monde — elle rappelle aussi l’urgence de connecter les acteurs nationaux entre eux.
