Publié le 06-03-2018

Al Sajin 52 : Lettre ouverte à Mehdi Jomaa pour 'l'ouverture d'un débat sur la consommation de la Zatla'

Un collectif de personnes indépendantes, qui s'est donné le nom de 'Al Sajin 52', a déposé en fin d'après-midi une lettre à l'attention de Mehdi Jomaa, au bureau d'ordre de la Présidence du gouvernement.



Al Sajin 52 : Lettre ouverte à Mehdi Jomaa pour 'l'ouverture d'un débat sur la consommation de la Zatla'

Cette lettre revient sur l'historique de la loi 52 et met en avant la rigidité des peines affligées aux consommateurs de drogues douces, couramment appelés Zatla.

De création récente, Al Sajin 52 est une initiative citoyenne indépendante, lancée par un groupe d’individus, qui ne veut aucunement encourager la consommation de drogues mais, cherche plutôt, à «faire comprendre la réalité de la consommation du Cannabis dans notre société». De plus, Al Sajin 52, pense que la peine excessive d'un an d'emprisonnement ne motive pas le sevrage de cette drogue.

Retrouvez c-joint la lettre ouverte, envoyée à Mehdi Jomaa, intitulée 'Arrêtons l'hypocrisie'.

Monsieur le Premier Ministre, 

Prohibée  depuis l’indépendance, la consommation de cannabis, Takrouri, Zatla ou encore  Kochkhach est restée dans la mémoire collective comme une coutume conviviale et festive. 

Depuis le 18 mai 1992 et la promulgation de la loi 52 relative aux stupéfiants, des dizaines de milliers de tunisiens ont été condamnés à de la prison ferme. Pourtant, de nos jours, la consommation de drogue douce n’est plus un phénomène mondain limité à une sphère favorisée. Vulgarisée et accessible, elle touche toutes les couches sociales et plus particulièrement les jeunes. Le nombre de condamnés et de consommateurs de Zatla ne cesse d’augmenter d’année en année. C'est la preuve que cette loi n'a rien de dissuasif. Elle a donc échoué.

La loi 92-52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants prévoit aux infractions de détention, usage et commerce des substances toxicomanogènes un traitement spécifique qui déroge aux règles admises pour l’ensemble des infractions pénales. L’évaluation de l’aspect préventif de cet instrument juridique, considéré trop rigide, ne semble pas concluante, a posteriori, en matière d’incitation au sevrage et à la réhabilitation. Une simple lecture du texte suffit à se rendre compte de la rigidité - injustifiable - de cette loi :
    
Art.4 : Sera puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de mille à trois mille dinars, tout consommateur ou détenteur à usage de consommation personnelle de plantes ou de matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi. La tentative est punissable.
Art. 8 : Sera puni de l’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de mille à cinq mille dinars, quiconque fréquente sciemment un lieu affecté et aménagé pour l’usage des stupéfiants et dans lequel il en est fait usage.
Art. 12 : Les dispositions de l’article 53 du code pénal ne s’appliquent pas aux infractions prévues par la présente loi.

Faudrait-il vous rappeler, Monsieur, que l'Article 12 prive l'accusé de bénéficier de circonstances atténuantes ?  Pourtant, vous savez aussi bien que nous Ô combien il y en a...


Aujourd’hui - comme sous l’ère de Ben Ali -, la législation en vigueur continue à servir plus la répression qu'autre chose et aboutit souvent à contrôler la population et surtout toute voix contestataire. Ainsi, continuer à appliquer cette loi ne fait que renforcer le système répressif non encore complètement révolu. C'est dans ce sens que Dr. Anas Ben Hriz, médecin hospitalier, avance “La justice semble, en effet, instrumentaliser la consommation de cannabis de manière préoccupante. Dès qu’il s’agit de jeunes, le test d’urine est devenu systématique, même s’ils sont mis en examen pour d’autres motifs.”

En septembre 2013, M. Sboui, alors Directeur des prisons, appelait publiquement à mettre en oeuvre - en urgence - des réformes législatives et de faire recours à des peines alternatives pour limiter le nombre de prisonniers pour certains crimes tels que la consommation de stupéfiants. En effet,  la législation entraîne deux problématiques fondamentales : la première étant la surpopulation carcérale et la seconde, les difficultés de réinsertion sociale et professionnelle des détenus, souvent très jeunes, une fois libérés. Pire encore, ces jeunes, une fois en prison, s'initient à la délinquance et au crime et récidivent souvent. Ils retournent parfois même en prison pour des crimes qu'ils n'auraient jamais commis s'il n'y avait eu la première incarcération.


Al Sajin 52 est une initiative citoyenne indépendante qui vient de voir le jour. Elle a pour objectif de sensibiliser la société tunisienne à un sujet qui reste tabou malgré tout.


Monsieur le Premier Ministre, 

A travers Al Sajin 52, et au diapason de cet air de liberté qui souffle sur le pays, nous vous sollicitons afin de considérer notre initiative et tenons à vous rappeler vos responsabilités et vos devoirs envers ce peuple et sa jeunesse à qui vous devez votre statut actuel.

Nous appelons à l'ouverture d'un débat national sous votre égide afin de travailler sur un phénomène dont l'ampleur est nationale avec pour seul crédo : Modifier sensiblement la loi 52.

Plutôt que de continuer à appliquer une loi parmi les plus répressives au monde et ignorer ses conséquences ravageuses ; Arrêtons l’hypocrisie ! 

Ayons le courage de travailler, tous ensemble et dans les plus brefs délais, sur des solutions.

Il y va de votre responsabilité et de notre responsabilité collective.

Nous sollicitons votre haute bien veillance à l'egard de notre initiative et espérons que cette lettre puisse vous parler et avoir l'écho que nous lui souhaitons.

 

Avec respect et considération


L'initiative citoyenne et indépendante " Al Sajin 52 "
 


H.B.
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