ARTICLE 19 : l’interruption d'Attounisia TV est un acte préjudiciable au paysage audiovisuel

ARTICLE19  juge que l’interruption subite et brutale de la diffusion des émissions de la chaine privée « Attounisia TV », qui a surpris les téléspectateurs et l’opinion publique, est un acte hautement négatif préjudiciable au paysage audiovisuel  en Tunisie qui souffre, depuis la révolution du 14 Janvier, d’un vide législatif et institutionnel.



ARTICLE 19 : l’interruption d'Attounisia TV est un acte préjudiciable au paysage audiovisuel

ARTICLE19 salue, à ce propos, la décision de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA), de procéder au règlement des dossiers des chaines TV et radios privées qui ont été lancées sans l'obtention de licences.


Dans un communiqué publié le 9 Juillet 2013, la HAICA, a  appelé les médias audiovisuels, qui diffusent sans autorisation, de lui soumettre obligatoirement leurs dossiers relatifs aux comptes financiers et aux sources de financement, les  équipements techniques et logistiques, la ligne éditoriale et la grille des programmes ainsi que d’autres dossiers portant sur les données personnelles des propriétaires de ces établissements audiovisuels et les ressources humaines, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la publication du communiqué. La HAICA a précisé, dans ce même communiqué, que toute chaîne de radio ou de télévision qui diffuse sans autorisation, à compter de la publication de ce communiqué, s’expose aux sanctions énoncées dans le décret‐loi n°116 daté du 2 novembre 2011.
A cet égard, ARTICLE19 réaffirme qu'il est nécessaire et urgent de mettre tous les moyens logistiques et les ressources humaines et financières nécessaires à la disposition de la HAICA, qui a été créée le 3 mai 2013, afin de lui permettre d’exercer pleinement ses prérogatives et de régler toutes les problématiques relatives au secteur des médias audiovisuelles en Tunisie post révolution.

Le décret-loi n°116 daté du 2 novembre 2011 confère à la HAICA le pouvoir de trancher les litiges afférents à la création et à l’exploitation des établissements de communication audiovisuelle et de sanctionner les infractions commises par ces établissements, conformément à la législation et aux cahiers des charges et conventions de licence y afférentes. Ces dossiers sont donc prioritaires pour la HAICA.


Il est à noter que  la chaîne  « Attounissia TV » est une chaîne  privée qui a été lancée après la révolution tunisienne. Elle est classée, par les autorités comme étant une chaîne hostile au pouvoir. Ses émissions, qui affichent le meilleur taux d’audience en Tunisie, ont été interrompues de manière subite, le Samedi 6 Juillet 2013, par le propriétaire des fréquences, Slim Riahi, un homme d’affaires tunisien. Depuis le 8 juillet 2013, elle diffuse ses programmes sur les fréquences de la chaîne « El Hiwar Ettounsi » sur une plage horaire située entre 17 heures et 00 heure. Le dossier de la chaîne « Attounissia TV » est très complexe et comporte plusieurs aspects d’ordre financier se rapportant au droit de propriété.
 

ARTICLE19, qui a toujours défendu le droit de lancer des chaînes TV et radios, et de leur garantir les meilleures conditions, en vue d’assoir un paysage médiatique pluraliste et diversifié, insiste sur la nécessité, pour tous les médias audiovisuels, de respecter les règles déontologiques et professionnelles et de se conformer au cadre législatif et institutionnel régissant le secteur de l’information.
 

Article19 estime que la prolifération anarchique des chaînes TV et radios qui diffusent sans autorisation, hors de tout cadre juridique, est dû au blocage prolongé de l’application du décret-loi 116 et au retard pris dans la mise en place de la HAICA. Elle appelle à s’inspirer des standards internationaux et des usages en vigueur dans les sociétés démocratiques pour régler les problématiques qui se posent et poursuivre le processus de réforme du secteur de l’information en Tunisie.


Article19 souhaite que tous les médias audiovisuels qui diffusent sans autorisation se conforment à la décision de la HAICA,  pour que cette instance  puisse traiter leurs dossiers et leur permettre de bénéficier d’un cadre juridique garantissant la poursuite de la diffusion de leurs programmes et d’éviter le  recours aux sanctions  prévues dans  l’article 31 du décret-loi 116. Cet  article autorise la HAICA  d’imposer des sanctions financières variant entre 20 mille et 50 mille dinars et de confisquer, en cas de besoin, les équipements utilisés dans l’accomplissement de leurs activités.
 

ARTICLE19 estime que les expériences des pays démocratiques ont montré que la régulation du paysage audiovisuel par une instance indépendante est le seul garant d’une information pluraliste et indépendante.
 

ARTICLE19 mise sur l'expérience tunisienne dans le domaine de la réforme des médias et sur la possibilité de faire de cette expérience un modèle pour les autres pays arabes. De ce fait, ARTICLE19 invite, une fois de plus, toutes les parties concernées à œuvrer en vue de consacrer la liberté et l’indépendance des médias à l’égard de tous les groupes de pression, financiers, politiques et religieux. L’action prioritaire et immédiate serait, peut-être, remédier aux carences que comporte le projet de la Constitution tunisienne et, en particulier, la révision des articles 122 et 124 qui, s’ils sont adoptés tels quels, risquent de bloquer le processus de réforme du secteur de l’information.


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