Publié le 06-03-2018
Le journaliste Gilles Jacquier tué en Syrie
En mission pour le magazine Envoyé spécial de France 2, il a été tué lorsqu'un obus est tombé sur un groupe de journalistes qui se trouvait en reportage à Homs. Une vingtaine d'autres personnes auraient été blessées lors de l'attaque.

Le journaliste français Gilles Jacquier, 43 ans, a été tué ce mercredi alors qu'il se trouvait en reportage à Homs, dans le centre de la Syrie. Gilles Jacquier était "en mission autorisée par le gouvernement syrien" avec un autre journaliste de France 2, pour un reportage destiné au magazine de la rédaction "Envoyé spécial".
Gilles Jacquier faisait partie d'un groupe d'une quinzaine de journalistes en mission à Homs, place forte de la contestation au régime de Bachir Al Assad, avec l'accord des autorités syriennes, qui limitent les déplacements des médias étrangers en Syrie. Il s'agit du premier journaliste occidental tué en Syrie depuis le début de la révolte contre le régime, le 15 mars.
Les circonstances de sa mort
Des obus sont tombés dans l'après-midi entre les quartiers d'Akrama et d'Al-Nouzha, où se trouvait le groupe de journalistes, faisant plusieurs morts, dont Gilles Jacquier, et plusieurs blessés, parmi lesquels un photographe néerlandais, selon le témoignage selon le photographe de l'AFP Joseph Eid qui faisait partie de ce groupe.
"Nous sommes arrivés ce matin à Homs", raconte de son côté Jens Franssen, un journaliste de la radio-télévision publique flamande belge VRT, présent au moment de l'attaque, sur le site internet de la chaîne. "Sous la conduite des services de sécurité, nous avons effectué une visite dans une partie de la ville. Il y a des quartiers où on peut circuler normalement et on voit des femmes et des enfants dans la rue"."Il y a d'autres quartiers qui font penser à une ville fantôme: des rues vides, avec de temps en temps un checkpoint (...) Nous n'avons pas pu nous y rendre car ils ne sont plus sous le contrôle des autorités".
"C'était le chaos. Nous avons couru (...) Il y a eu trois, quatre grenades" qui ont explosé, témoigne Jens Franssen. Quelques minutes avant l'accident, il y a eu une manifestation pro-Assad de quelques jeunes. Nous leur avons posé quelques questions puis on a continué. Une centaine de mètres plus loin, il y a eu une première explosion d'une grenade. Tout le monde a commencé à courir et, avec quelques journalistes, nous avons couru vers un immeuble. Au moment où j'y rentrais, une deuxième grenade a explosé juste devant. Il y a eu ensuite quelques explosions, trois ou quatre au total, je pense", a poursuivi Jens Franssen. "C'était le chaos. Les gens criaient. Il y avait du sang sur le sol. Personne ne savait ce qui se passait. Je suis entré dans un appartement, il y avait un collègue néerlandais qui avait l'air blessé". Quelques minutes plus tard, nous sommes descendus. Dans la cage d'escalier, j'ai vu un collègue français de France 2 qui gisait sans vie".
Le Figaro rapporte lui le témoignage d'un journaliste de la BBC, Mohammed Ballout, présent dans le même voyage de journalistes:
"Nous étions deux délégations de journalistes étrangers présents ce mercredi à Homs" explique-t'il, précisant que sa délégation, "escortée par le ministère de l'Information syrien", était composée, "de journalistes des chaînes américaines CNN et CBS et de l'AFP", tandis que celle où se trouvait Gilles Jacquier, escortée par une religieuse libanaise favorable au régime syrien, Soeur Marie Agnès, "comptait dans ses rangs Gilles Jacquier et un autre journaliste de France 2, cinq Belges, deux Suisses, deux Libanais et un journaliste syrien".
Vers 15 heures, "devant l'hôpital de Zahira, un attroupement s'est formé de militants pro-Assad qui ont commencé à scander des slogans favorables au régime. Soudain, une roquette RPG a frappé la foule. Huit activistes pro-Bachar ont été tués sur le coup". "Les journalistes du groupe de Jacquier sont accourus pour voir ce qui se passait. À ce moment-là, un deuxième RPG a été tiré dans leur direction." Ce deuxième tir a été fatal au journaliste, mort sur le coup, selon Mohammed Ballout.
Juppé : "que toute la lumière soit faite"
Les hommages ont afflué au cours de l'après-midi. La France demande que "toute la lumière soit faite sur les circonstances" de la mort en Syrie du journaliste français, a déclaré le chef de la diplomatie Alain Juppé: "Nous demandons qu'une enquête soit menée afin que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce drame".
"Nous condamnons vigoureusement cet acte odieux", a-t-il ajouté, en demandant aux autorités syriennes" d'assurer la sécurité des journalistes internationaux sur leur territoire et de protéger cette liberté fondamentale qu'est la liberté d'information".
Un peu plus tard, François Hollande, candidat socialiste à la présidentielle, a fait part mercredi de son "immense émotion", après la mort du journaliste. "Gilles Jacquier a été tué alors qu'il cherchait à informer sur les terribles massacres qui se poursuivent en Syrie malgré les insupportables dénégations du régime", a rappelé le député de Corrèze.
Nicolas Sarkozy a de son côté fait part de ses "sentiments émus", de sa "peine" et son "émotion", après la mort du journaliste de France 2, Gilles Jacquier, en Syrie et souligné l"'importance" d'avoir "des hommes courageux pour dire la vérité de ce qui se passe" dans les pays en conflit. Homs est un des foyers de l'insurrection contre le régime du président syrien Bachar al-Assad. La répression de la contestation a fait, selon une estimation de l'ONU, plus de 5.000 morts.
AFP