Publié le 06-03-2018

J’ai 19 ans, je suis gay, je ne peux plus vivre chez moi... calvaire d'un homosexuel tunisien

Demande-t-on à un hétérosexuel s’il a choisi son orientation ? On ne cesse pourtant de demander aux homosexuels s’ils ont choisi la leur. On cherche le pourquoi du comment et souvent on stigmatise, on exclut, on maltraite… les personnes LGBT n’ont pas la vie facile en Tunisie.



J’ai 19 ans, je suis gay, je ne peux plus vivre chez moi... calvaire d'un homosexuel tunisien

Depuis que le débat sur l’art-230 qui condamne l’homosexualité est lancé en Tunisie, la question est débattue, et le moins qu’on puisse dire, est qu’elle divise.
Entre ceux qui évoquent l’histoire et la religion, alors que des poètes homosexuels ont marqué la littérature arabe et islamique, ceux qui rejettent d’emblée la différence, la société tunisienne en évolution peine à trouver un équilibre où l’on peut cohabiter sans se juger.

S.K, 19 ans, est bachelier, il vivait avec sa famille, jusqu’à ce que sa mère découvre son homosexualité.
« Aujourd’hui je vis chez une amie, je ne suis pas sûr de passer le bac parce que j’ai des problèmes au lycée et que je ne veux plus retourner dans ma ville » a-t-il confié à Tuniscope lors d’un entretien à propos d’un texte qu’il a écrit.

« Je m’appelle S.K, je suis né le ******* 1997 et bachelier. Pour commencer, je vis avec ma famille… mon problème est que je suis gay, que cela va à l’encontre de ma religion et que le gouvernement interdit cela et donc je risque de finir en prison » c’est avec cette phrase qu’il commence son texte qu’il a intitulé « SOS ! Je veux vivre comme un être humain ».

La loi, les croyances qui gèrent une société conservatrice, qui se dit pourtant « ouverte, mais… », être différent c’est se retrouver entre le marteau et l’enclume.
« Ma mère a informé mon oncle pour moi, il est venu chez nous et nous avons eu une grande dispute. Il m’a frappé à plusieurs reprises, m’a poussé contre le mur et m’a étranglé jusqu’à me priver d’air. Je pensais que j’allais mourir cette nuit-là. J’ai vécu un cauchemar. J’écris ce message en pleurant. Je me sentais pire qu’un esclave. Il n’a eu aucune pitié pour moi et ma famille n’a eu aucune réaction quand c’est arrivé. Ils ont même pris son parti. J’ai aussi un oncle religieux et donc je suis effrayé. J’ai fugué de chez moi cette nuit et j’ai dormi chez des amis parce que mon oncle était à la maison. Quand je marche dans la rue, j’ai peur des gens autour de moi. Je veux juste être en sécurité. Je ne suis pas allé au lycée durant le mois dernier parce que j’avais trop peur des autres élèves et je ne voulais pas encore me faire harceler. C’est un horrible sentiment. Je ne veux pas me faire violer ou abuser. Je suis juste à la recherche de ma sécurité et d’un endroit où je pourrais vivre comme un être humain et commencer ma vie, ma carrière et fonder une famille » avait-il encore écrit.

Aujourd’hui, il hésite à reprendre les études et pense devoir trouver un travail pour vivre. Il se fait un peu aider par les associations qui œuvrent pour les droits des minorités, mais sa situation reste précaire.

L’exclusion est une situation à laquelle ce jeune doit faire face aujourd’hui parce qu’il est homosexuel et ils sont assez nombreux à se retrouver dans cette situation.

Les associations comme Mawjoudin, qui aide déjà S.K, font ce qu’elles peuvent quand elles se retrouvent avec des victimes de violences.
« On identifie leur besoin, si ils/elles veulent voir un psy (prise en charge psychologique) surtout en cas d'agression ou de litige et s’il faut un avocat on se charge de ça. Pour les consultations médicales aussi, on travaille avec des médecins « gayfriendly ». Et, finalement, avec l'aide d'autres activistes on essaye de consacrer un mini budget afin de louer une chambre pour un ou deux mois le temps que la victime trouve un boulot » nous dit explique Ali Bousselmi de Mawjoudine.

Il ajoute : « ces victimes sont des citoyen(ne)s tunisien(ne)s et elles sont jeunes, c'est à l'Etat de les protéger afin qu'elles puissent poursuivre leurs études ou leurs parcours, un refuge devra voir le jour en Tunisie ».

« Sur le respect du corps, on peut constituer une éthique sur le respect des activités du corps : manger, boire, pisser, chier, dormir, faire l'amour, parler, entendre etc. Empêcher quelqu'un de se coucher la nuit, ou l'obliger à vivre la tête en bas, c'est une forme de torture intolérable. Empêcher les autres de bouger ou de parler est également intolérable. Le viol ne respecte pas le corps de l'autre. Toutes les formes de racisme et d'exclusion sont finalement des manières de nier le corps de l'autre. On pourrait relire toute l'histoire de l'éthique sous l'angle des droits du corps et des rapports de notre corps au monde » Umberto Eco, La pensée est une vigilance continuelle*...

Article 21 de la constituion tunisienne :Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination.
L’État garantit aux citoyens les libertés et les droits individuels et collectifs. Il veille à leur assurer les conditions d’une vie digne.

Article 24 de la constitution tunisienn : L’État protège la vie privée

* Compagnie des contemporains, Par Roger-Pol Droit, page 84
 


Hajer Boujemâa

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