Publié le 06-03-2018

Comment Nestlé s'est fait racketter par le clan Ben Ali ...

Personne ne semble avoir échappé aux pratiques mafieuses du clan Ben Ali. Pas même Nestlé, présente en Tunisie depuis les années 1960. Une enquête de la Télévision Suisse Romande (TSR) en collaboration avec Le Monde a pu reconstituer la manière dont l'homme d'affaires Mohamed Sakhr El-Materi – marié à Nesrine Ben Ali, la fille ainée du couple présidentiel – et son groupe Princesse Holdings avaient fait main basse en 2006 sur 40 % des actions Nestlé Tunisie, alors détenues par la Banque Nationale Agricole (BNA) et la Société tunisienne des industries laitières (STIL).



Comment Nestlé s'est fait racketter par le clan Ben Ali ...

Et comment le géant de l'agro-alimentaire, totalement pris par surprise, s'était ensuite arrangé pour, deux ans après, acheter au prix fort les parts de cet actionnaire gênant. Alors dirigé par Peter Brabeck, le groupe suisse s'est pourtant bien gardé de mentionner l'épisode à ses actionnaires et a même continué à faire des affaires sur place. Dès 2005, Nestlé Tunisie qui emploie alors 300 personnes avec une usine à Carthage et possède un chiffre d'affaires de 50 millions de francs suisses, commence à susciter la convoitise de l'homme d'affaires Mohamed Sakhr El-Materi. Né en 1981, il est à la tête d'une holding qui ne cesse de grossir, active dans les secteurs de la banque, des télécommunications, et du commerce automobile.

 

"Nous avons été mis devant le fait accompli"

 

Faire pression sur les actionnaires de Nestlé Tunisie, la BNA et STIL pour qu'ils cèdent leur participation – soit respectivement 26,6 % et 14 % – est alors presque un jeu d'enfant. En 2006, Sakhr El-Materi a ainsi pu les racheter au prix nominal, soit quelques 4,5 millions de dinars (alors 3 millions d'euros). Interrogé par Yves Steiner, journaliste de la Télévision Suisse Romande, le service de presse de Nestlé n'a pas commenté ce chiffre mais a confirmé que cette acquisition était illégale. "Cette transaction s'était faite sans consultation préalable avec Nestlé, en violation du droit de préemption de Nestlé et en dehors des transactions officielles de la Bourse de Tunis" écrit Mélanie Kholi, porte-parole.

Nestlé et sa filiale tunisienne, alors dirigée par le français Jean-Marie Mauduit, ont essayé de résister à l'assaut du clan El-Materi. Des démarches juridiques ont été entreprises, en vain. "Nous avons été mis devant le fait accompli. L'ordre venait du Palais de Carthage [la résidence du président Ben Ali]", explique un cadre de Nestlé Maghreb à la retraite. "Nestlé était furieuse ! Elle craignait pour la marche de ses affaires et pour son image. En restant poli, disons que Mohamed Sakhr El-Materi agissait comme un truand", se souvient un diplomate européen alors en poste.

 

Dernière couleuvre à avaler pour Peter Brabeck et son groupe : la nomination de Moncef El-Materi, le père de Mohamed Sakhr, à la présidence du conseil d'administration de la filiale locale. L'homme d'affaires, un ancien officier qui s'était illustré dans une tentative de coup d'Etat militaire en 1962, est actif dans l'industrie pharmaceutique. D'après un partenaire de Nestlé Tunisie, Peter Brabeck aurait affiché sa colère à l'égard du nouvel actionnaire en omettant de faire escale à Tunis lors d'une visite en Afrique du Nord en 2006. A Vevey, décision est prise d'écarter coûte que coûte l'encombrant actionnaire.

 

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