Publié le 28-02-2023

Nabil Ammar : La Tunisie ne s’excuse pas

Nabil Ammar appelle à l’apaisement et affirme que les autorités tunisiennes sont en droit de s’alerter sur les flux croissants de migrants.



Nabil Ammar : La Tunisie ne s’excuse pas

Dans un entretien accordé à l’agence de presse française, le chef de la diplomatie tunisienne Nabil Ammar a affirmé que son pays prônait « l’apaisement », tout en excluant de présenter des excuses après le tollé suscité par un discours dénoncé comme raciste du président Kaïs Saïed sur les migrants subsahariens.

Le 21 février, le chef de l’État avait appelé à des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine de ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, affirmant que leur présence en Tunisie était source de « violence et de crimes ». Évoquant l’arrivée de « hordes de migrants clandestins », il a soutenu que cette immigration relevait d’une « entreprise criminelle » destinée à changer la composition démographique de la Tunisie afin d’estomper son caractère « arabo-musulman ».

Plusieurs ONG ont dénoncé un discours « raciste et haineux » et l’Union africaine a condamné des déclarations « choquantes ». « C’est vraiment un mauvais procès d’interprétation fallacieuse des propos des hautes autorités tunisiennes à ce sujet. Cela fait quelques jours que cela s’est produit et il faut maintenant garder la tête froide, il faut apaiser, et les messages d’apaisement ont déjà été transmis par les canaux officiels et autres », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar. « Non, il n’est pas question d’excuses du tout, nous n’avons porté atteinte à personne », a-t-il ajouté.

Recrudescence d’agressions


Selon des chiffres officiels cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, en majorité en situation irrégulière, soit moins de 0,2 % d’une population totale d’environ 12 millions. « Pour les migrants qui sont légaux, il n’y a aucun problème. Au contraire, nous en voulons plus », a ajouté Nabil Ammar. « Et les migrants illégaux sont appelés à retourner chez eux mais dans le respect de leurs droits et de leur dignité ».

Après la charge du président Saïed, plusieurs ONG et des témoins ont fait état d’une recrudescence d’agressions contre des migrants africains qui se sentent « livrés à la vindicte populaire » d’après des représentants de cette communauté.

« Il ne faut pas mélanger les actes individuels et les actes des autorités. Les autorités sont en train de prendre toutes les mesures pour protéger tous les migrants en Tunisie, qu’ils soient légaux ou illégaux », a affirmé le chef de la diplomatie. Il a défendu le discours de Kaïs Saïed, faisant valoir que « les autorités tunisiennes sont dans leur droit d’alerter quand il y a des flux croissants d’immigrés illégaux avec toutes les conséquences que cela peut entrainer ».

Les déclarations de M. Saied sur l’existence d’une « entreprise criminelle » visant à changer la composition démographique de la Tunisie ont suscité des comparaisons avec la théorie complotiste du « grand remplacement » endossée en France par le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour. « C’est juste un élément, pourquoi les commentateurs se sont saisi de cet élément là pour en faire l’élément central ? Et quand bien même cette étude existe, quel est le problème, ce ne sont pas les autorités tunisiennes qui l’ont écrite », a affirmé Ammar, qui a aussi appelé « les amis de la Tunisie » à prendre sa défense dans le cadre de cette polémique.

Il a également démenti les accusations selon lesquelles le discours de Kaïs Saïed vise à détourner l’attention de la dégradation des conditions de vie et d’une situation politique qui s’est encore tendue en février avec une série d’arrestations. « Bien sûr que non, ce sont leurs interprétations, ce n’est pas la réalité », a-t-il dit.
 



Dans la même catégorie