Publié le 09-12-2022

Erdogan relance le débat sur le port du voile islamique

Le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan va déposer un amendement à la Constitution pour graver dans le marbre le droit de porter, ou non, le foulard islamique dans la vie courante.



 Erdogan relance le débat sur le port du voile islamique

Le parti au pouvoir du président turc Recep Tayyip Erdogan s'apprête à déposer au Parlement un amendement à la Constitution pour graver dans le marbre le droit de porter, ou non, le foulard islamique dans la vie courante, au lycée et au bureau.

Dans cet Etat laïc, la décision très politique à quelques mois des élections ravive un débat que le fondateur de la République de Turquie, Mustafa Kemal, avait voulu clore au début du XXe siècle.


Preuve que le sujet est d'actualité: dans la série à succès de Netflix «Bir Baskadir», qui confronte une jeune paysanne (voilée) à deux psy, citadines et émancipées, l'une d'elles lâche en zappant devant sa télé: «C'est la nouvelle mode: dans toutes les séries maintenant, il y a une fille voilée». L'approche des scrutins présidentiel et législatif l'an prochain a convaincu le président Recep Tayyip Erdogan de monter au créneau, brandissant même la possibilité d'un référendum sur la question.


Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003 et son parti islamo-conservateur, l'AKP, espèrent bien se maintenir à la tête du pays. Mais c'est son probable concurrent, le leader de l'opposition et du parti historiquement laïc, le CHP (social-démocrate) de Mustafa Kemal Atatürk, qui a le premier relancé la question en accusant le président de vouloir «garder les femmes voilées en otages».

Interdictions levées
Kemal Kiliçdaroglu voulait ainsi rassurer les milieux conservateurs en assurant qu'une fois élu, il inscrirait dans la loi le droit de porter le foulard. «Y a-t-il discrimination envers les voilées ou pas voilées aujourd'hui dans la fonction publique? Dans les écoles? Non!», lui a renvoyé Recep Tayyip Erdogan en s'emparant du débat. «Nous avons réussi ceci!»

«Découragé» au nom de la modernité à la proclamation de la République, puis progressivement banni dans l'éducation et la fonction publique, le foulard islamique a été pas à pas réintroduit depuis 2008. L'AKP a levé d'abord l'interdiction à l'université, puis au collège, dans la fonction publique, au Parlement et même dans la police.


Des mesures reçues en Turquie comme une libération des droits des femmes et sur lesquelles elles ne veulent pas revenir, explique Berrin Sönmez, historienne, militante et ardente défenseure des droits des femmes. «Ceux qui considèrent le foulard comme un symbole religieux contraire au principe de laïcité devraient comprendre qu'il s'agit d'une discrimination: interdit ou obligatoire, le foulard est une même violation des droits des femmes si la règle est imposée par l'Etat», martèle Berrin Sönmez, elle-même couverte.

Face aux objections de certaines féministes et à la grave crise économique qui secoue le pays, elle fait valoir que «l'assurance que les femmes voilées puissent exercer leurs droits (...) est un moyen de prévenir les crises économiques et d'augmenter le niveau de développement humain» en leur permettant d'étudier et de travailler.

Faute d'étude récente, elle estime que la moitié des femmes turques portent le foulard - en 2012 elles étaient 65%. «Ne pas le comprendre m'est incompréhensible», ajoute-t-elle. «La proposition de loi de [Kemal] Kilicdaroglu est une mesure importante pour faire obstacle à Erdogan», conclut cette intellectuelle, opposante au président sortant.

«Femme idéale»
Car pour les féministes turques, qui soutiennent ardemment le mouvement de révolte des Iraniennes, le chef de l'Etat a surtout voulu s'assurer du soutien des franges les plus conservatrices de ce pays - à majorité musulmane sunnite.

AFP



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