Publié le 06-03-2018

Entretien avec Raja Amari pour la Dowaha - Les secrets

 Son premier film SATIN ROUGE relatait l’émancipation d’une femme par la danse du ventre. Avec LES SECRETS DOWAHA, elle revient avec un conte moderne, pourquoi ?



Entretien avec Raja Amari pour la Dowaha - Les secrets

 Votre premier film SATIN ROUGE relatait l’émancipation d’une femme par la danse du ventre. Avec LES SECRETS, vous revenez avec un conte moderne, pourquoi ?

 

J’ai, dès le début souhaité explorer un nouvel univers poétique et cinématographique. Je voulais travailler sur l’idée du secret de famille, tous ces non-dits qui tissent les histoires familiales.

 

C’était pour moi très intéressant que ce soit les femmes qui sont les gardiennes de ces secrets. Cela faisait également écho au secret qui enveloppe le désir dans les sociétés arabes.

J’ai suivi cette envie pour créer mon personnage principal et construire mon récit autour d’elle et de son secret. 

 

Il est à nouveau question dans votre film du désir féminin.

 

Dans les deux films, il est question de la libération d’un personnage féminin. Dans les deux cas, la féminité et l’élan vers le changement en sont le moteur :

comment assouvir ses désirs dans un environnement qui les nie. Cependant, la manière d’y parvenir est différente.

 

La maison de votre conte abrite trois femmes, une mère et ses deux filles. L’arrivée d’un jeune couple, et plus particulièrement d’une jeune

femme moderne, va chambouler cette famille.

 

C’est l’histoire de personnages qui évoluent dans le confinement d’un même espace, enfermés sur euxmêmes. Je voulais observer leur

évolution et leur confrontation. Aïcha, mon personnage principal, est une adolescente curieuse, en plein éveil des sens mais brimée

par l’autarcie et le secret dans lesquels vivent les membres de sa famille. La venue du jeune couple va lui permettre d’assouvir sa curiosité

et de s’exprimer, mais va aussi bouleverser l’équilibre des trois femmes et les renvoyer à leur enfermement et leur frustration. 

 

Aicha, découvre, au contact de Salma, l’intruse, le monde qui l’entoure et le mensonge dans lequel sa mère et sa soeur la laissent grandir.

La mère est la gardienne du temple. Elle maintient comme elle peut l’ordre précaire de sa famille. Radia, la soeur, supporte avec douleur les frustrations de ses désirs inassouvis.

 

Salma rayonne et renvoie l’image d’une sexualité épanouie et assumée.

Le contraste des deux réalités est trop fort pour tenir sous le même toit.

Salma sera séquestrée par les trois femmes car elle a découvert leur existence, ce qui met en péril leur secret. Durant sa séquestration elle

va même prendre goût à cette assemblée maternelle et rassurante. Mais ce semblant d’harmonie ne dure qu’un temps. 

 

Comment avez-vous choisi vos comédiennes ? Et comment avez-vous travaillé avec elles ?

 

Pour le personnage d’Aïcha, je cherchais une comédienne qui puisse subtilement jouer une personne décalée. Aïcha a toujours vécu recluse. Elle n’a pas les clés pour comprendre le monde car on la maintient dans l’enfance de peur qu’elle ne devienne trop vite femme, et donc que ses désirs fassent surface.

 

Hafsia Herzi est un choix qui s'est imposé à moi.

Sondoss Belhassen est une comédienne que j’ai vu jouer dans d’autres films tunisiens. Elle m’intéressait beaucoup pour son énergie.

 

Nous avons répété avant et nous avons pu tourner dans la chronologie pour leur permettre de suivre l’évolution de leurs personnages. Nous avons pu nous le permettre car nous étions dans un décor unique.

 

Vous accordez une grande importance à la maison, aussi bien d’un point de vue visuel, que narratif. La maison est presque un personnage à part

entière.

 

La géographie de la maison est un élément important dans le film.

La circulation des personnages dans cet espace influe sur la dramaturgie du récit. C’est un espace où l’on peut s’épier, s’écouter, voir sans être

vu. 

 

Avec le chef décorateur nous avons travaillé sur le délabrement de la maison tout en faisant en sorte qu’elle soit quand même habitable. Nous avons aussi tenu à mettre en avant l’allégorie du haut (l’espace réservé aux maîtres) et

du bas (l’espace réservé aux domestiques). L’espace exprime par lui-même la situation sociale de ces femmes sans que l’on soit obligé d’entrer dans des

explications d’ordre social. Avec le chef opérateur, nous avons travaillé sur l’obscurité, l’ombre et la densité dans les espaces des femmes cachées et avons appuyé sur la luminosité de l’étage. La maison a un coté étrange qui

m’intéresse. Elle ressemble aux châteaux des contes de fées tout en ayant un côté sinistre et désuet. Elle est la caisse de résonance des secrets qui la

hantent.

 

Votre film impose un ton atypique dans la cinématographie arabe contemporaine, qui plus est, pour un film réalisé par une femme.

 

Mon désir était de raconter un conte de fées moderne et noir. J’ai réuni

tous les éléments du conte : le château, le bal, la marâtre, la soeur,

la chaussure de cendrillon et même le prince charmant. Mais je voulais quand même garder un certain réalisme dans mon traitement.

Ce n’est pas un film de genre en tant que tel. Nous sommes dans l’univers d’Aïcha : ses fantasmes, son univers enfantin et étrange. Je voulais être au plus près de mon personnage et de sa manière bien particulière de se représenter le monde et de se libérer.

 

Communiqué de presse


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