Publié le 06-03-2018

Hommage et lettre à Mohamed Brahmi par Nefissa Wafa Marzouki

Ci joint l'hommage au martyr Mohamed Brahmi par Nefissa Wafa Marzouki, députée en retrait de l'Assemblee Nationale Constituante.



Hommage et lettre à Mohamed Brahmi par Nefissa Wafa Marzouki

"Quarante jours âpres après ton départ !

Mohamed Brahmi,

Et si tu écoutais les plaintes de notre Tunisie qui pleure son sort,

Et si tu regardais comment notre Tunisie se noie, seule, fatiguée, dénoyautée, dévitalisée, asséchée et tristement désespérée,

Dans un océan de tensions, de conflits et de règlements de comptes, de liquidations physiques et de crise économique qui frôle la banqueroute, de grande peur et d’insécurité, de non confiance dans la classe politique et de mise à mort de la compétence et de la transparence, lesquelles sont supplantées par l’alignement politique, les pots de vin, la corruption et la course effrénée vers la réalisation d’intérêts politicards étroits…

Dans un océan de nominations administratives abusives et de… « Dégage ».

Tu sourirais narquoisement …

Zaba survit à notre 14 janvier, il a juste changé de carapace et de couleur.

Où en est le sang de nos martyrs, de Kasserine et de Thala ? De Sidi Bouzid de Gafsa ?
 

Quarante jours âpres après ton départ !
 

Tu étais toujours souriant mais grave à cause du tournant que prenait notre transition démocratique, suite a l’accession au pouvoir de Nahda.

Et tu me disais souvent avec ton accent d’un habitant du sud, enclavé dans son dialecte : « La Tunisie c’est leur butin; ils veulent se la partager ; ils ont un double discours et ils ne sont pas des saints.

Ils ont une milice et une police parallèle ; s’activent dans des camps militaires d’entrainement à visée jihadiste voire terroriste. »

Et tu me disais encore : « Ce sont de vrais Loups, que fait-on ici a l ANC ? on doit démissionner ya Wafa , c’est du fard, cette institution ; c’est leur caisse de résonance, c’est leur écho ; ils en font ce qu’ils veulent et nous , nous cautionnons !et puis l’ANC a été créée pour rédiger la constitution durant une année uniquement.»

Et moi toute attention- je venais fraîchement de débarquer au palais du Bardo et n’avais pas une vision claire et profonde de la situation-je me disais a moi-même : « C’est vrai, je partage ; un autre loup est en train de tenailler le cou de notre pays et de l’égorger à vif ! Mais on ne doit pas les laisser seuls… Mohamed Brahmi a tort de penser à la démission ; le parlement nous appartient ; c’est une revendication populaire qui date des années 1930 et il est la propriété des représentants du peuple et non d’une caste de privilégiés.

Faut pas leur laisser le terrain vide, faut batailler de l intérieur. »

Et moi, dans cette marée déferlante qu’est leur mouvement, je regardais sans voir.

Je ne le comprenais pas.

Ce n’est que maintenant-avec du recul- que j’ai saisi la portée de ses paroles.

Il n’a pas tort.

Se retirer, non démissionner, est une voie, parmi d’autres, qui paie.

Pour réajuster le processus transitionnel qu’ils manient à volonté.

Pour exprimer sa révolte et son refus du gouvernement qui a échoué.

L’ANC est leur cheval de bataille, leur cheval de Troie avec lequel ils vont défoncer la Tunisie et l’assujettir à leur intérêt et à leur projet sociétal ; ils veulent garder

le pouvoir en invoquant l’argument de la légitimité et instaurer l’Emirat ; Gannouchi étant le sixième califf.

Ils volent le temps des Bouazizi et cambriolent l’or vert de la Tunisie dans leurs comptes bancaires, vautours qu’ils sont. Le Sheraton Gate du beau fils de Gannouchi, l’ex ministre des affaires étrangères, en est une preuve. Sans oublier les autres scandales des nouveaux Trabelsia…

La crise est réelle, sur tous les plans. Et la Tunisie va à pas sûrs vers le gouffre vers la banqueroute.

Le gouvernement doit impérativement démissionner.

J’accuse.
 

J accuse Ennahda, le parti majoritaire au pouvoir, d’avoir confondu gouvernement et parti ; intérêt de l’Etat et intérêt du parti ; religion et Etat.

Les dernières nominations abusives en sont la marque . Et l’Islam politique leur alibi.

La surdité et la myopie d’Ennahda quant à la contestation d’une partie du peuple, lors du 25 Juillet, du 6, du 13, du 24 et du 31 Aout 2013… ne sont pas sans signification :

- Refus du dialogue, sauvegarde de leurs intérêts au dessus de ceux de la collectivité nationale et maintien au pouvoir et au fauteuil pour rédiger un Destour à la mesure, garantir les prochaines élections et les gagner à coup sûr.

- Refus de la démocratie !

- Refus de la République !

Je rappelle que notre chef de gouvernement Laarayedh lors de son discours a L’ANC le 25 juillet 2013 n’a aucunement parlé de la valeur qu’est la République ni a l’incipit ni à la fin de son discours.

Le slogan « Vive la république » n’a pas été prononcé dans son allocution.

Avertie et toute attention, j’écoutais son intervention avec minutie. Je comprenais cette omission volontaire, islamiste qu’il est.

Fort était son discours politique, ce jour là.

L’alignement politique d’Ennahda est incontestablement affiché.

Et là, non le double discours, pilier de sa communication et arme brandi lors d’événement politique particulier ou quand le vent ne souffle pas de son côté, mais le message clair, direct et transparent se décèle.

« Pour régner, tout m’est permis. » Dit le roi.

J’accuse


J’accuse Ennahda d’inciter à la haine et à la violence à tout bout de champ, aussi bien verbalement que physiquement…

Chez les Nahdaouis La violence est telle , chers lecteurs, qu’elle va jusqu’à la liquidation physique : des militaires égorgés, un député assassiné a bout portant, un grand militant liquidé en sortant de chez lui et deux autres , tués, qui, par un membre de la Ligue de Protection de la Révolution, qui, par une bombe lacrymogène !

En deux ans, le nombre des assassinats est de dix ou plus.

La sécurité est garantie, Monsieur le Président ! Votre Peuple vous est reconnaissant !

Les lieux de culte que sont nos mosquées ont été envahis- et le sont encore- par des prêcheurs non neutres qui appellent à la discorde et crient a l’assassinat des mécréants, défenseurs de Satan.

Les établissements scolaires, également, sont infestés par des salafistes qui, à la recréation ou devant les lycées et collèges, distribuent des tracts généralement écrits à la main où ils déplorent voire interdisent la mixité et menacent les élèves de l’issue fatale qui les attend : l’enfer aux portes brûlantes, s’ils n’obéissent pas.

Même la scolarité des filles est blâmée voire « Hramm » et elles n’ont pas a étudier ni à sortir de chez elles ni à travailler, ni à se faire belles ni à se parfumer ni à se maquiller ni à ne pas porter le hijab. La fille est diablesse si elle outrepasse ces valeurs.

Même les députés-hommes et femmes- a l’ANC appellent a l’annulation du Code du Statut Personnel ; lequel code n’est ni adapté a la société musulmane ni au statut de la femme ;

Et la parité, un autre acquis des dernières élections, n’est pas plébiscitée
« La sélection et le choix des personnes se fait selon les compétences. » disent ils solennellement.

Et ils ne savent pas qu’une loi peut faire évoluer une mentalité et être à l’avant d’une idéologie !

Le C.S.P n’a-t-il pas institué la monogamie et partant n’a-t-il a pas fait progresser la notion de famille et sécuriser la femme mariée ?

Le projet sociétal d’Ennahda n’est pas moderne ni égalitaire ni démocrate.

Tunisiennes, tunisiens, le temps est à la mobilisation et à la révolte. Pacifiques !

Notre Tunisie ne supporte plus ces écorchures qui la font saigner à blanc !

Donc résistons à ce ras de marée étranger à notre société, inapproprié à nos gènes, signés tunisiens.

Quarante jours âpres après ton départ,


Mohamed- je l’appelais ainsi à cause de la familiarité qu’il y avait entre nous- juste après ton lâche assassinat, nous voilà retirés de l’ANC, une soixantaine presque, exprimant notre refus de continuer à travailler au sein de l’ANC parce que ton siège coule de sang.

Tes paroles prophétiques appelant à la démission sonnent fort dans mon tympan.

« Ya Wafa, ce parlement est une mascarade ; faut le quitter ; sinon on est en train d’avaliser leur politique»

Mohamed, Nous voilà sit-inners au Bardo, à exprimer notre colère, à demander que le gouvernement démissionne, à mobiliser pacifiquement les citoyennes et les citoyens et à crier au « dégage ».

La crise s’est amplifiée ya Mohamed et ils ne nous écoutent pas.

Ils ne voient pas la hausse des prix, le chômage des jeunes qui va croissant, la paupérisation de la population, la dévaluation du dinar, le départ des investisseurs donc la fermeture des entreprises à cause de l’instabilité sociale et politique et le risque grand de faillite !

Et la presse qu’on musèle et le mot libre qu’on tait et la peur qu’on installe et la justice sur laquelle on met la main.
Même la proposition recommandée par l’UGTT et avalisée par le patronat et la Ligue des Droits de l’Homme et des Avocats, après de longues négociations lesquelles n’ont pas abouti, est refusée par Ennahda.

La crise va crescendo et les dirigeants au pouvoir ajournent la solution laquelle solution est plutôt pour eux maintien au gouvernement.
Ils gagnent du temps sans plus pour assoir leur pouvoir et sucer davantage le sang de la Tunisie.

C’est le tournant pour la Tunisie.

Mohamed,

Nous te promettons que nous ne reculerons pas.

Nous te témoignons notre détermination à tenir tête et à ne pas la baisser.

Et nous te garantissons notre volonté de gagner le pari de la démocratie.

Quel que soit le prix à payer.

Vivement la République Tunisienne Tempo2.

Nefissa Wafa MARZOUKI, le 08 Septembre2013


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