Publié le 06-03-2018

Human Rights Watch : La loi antiterroriste doit être amendée

Les législateurs tunisiens devraient réviser la loi antiterroriste de 2003, a déclaré Human Rights Watch dans une lettre adressée aux membres de l’Assemblée nationale constituante.



Human Rights Watch : La loi antiterroriste doit être amendée

La loi de 2003 utilise en effet une définition trop large du terrorisme et de l’incitation au terrorisme, et porte atteinte aux droits de la défense. Les procureurs tunisiens ne devraient inculper personne en vertu de cette loi tant qu’elle n’a pas été amendée pour s’aligner sur les obligations de la Tunisie vis-à-vis des droits humains, a déclaré Human Rights Watch.

« Les autorités tunisiennes devraient immédiatement cesser d’appliquer une loi anti-terrorisme que Ben Ali utilisait pour décapiter toute forme de dissidence », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités tunisiennes et les législateurs devraient réviser cette vieille loi si discréditée pour s’assurer qu’elle cible réellement des actes terroristes et qu’elle ne viole les droits de personne. »

Plus de 16 membres des forces de sécurité tunisiennes ont été blessés depuis le 28 avril lors d’opérations menées contre un groupe armé dans les hauteurs du Djebel Chaambi, près de la frontière entre Tunisie et Algérie. D’après le gouvernement, les premières enquêtes suggèrent que ce groupe est lié à Al Qaïda au Maghreb islamique. Le 8 mai, les ministères de la Défense et de l’Intérieur ont déclaré que les forces de sécurité avaient arrêté 37 personnes impliquées « directement ou non » dans les « événements de la région ».

La définition du terrorisme selon la loi de 2003 est trop large et trop vague, incluant des actes de violence susceptibles de « troubler l'ordre public » ou de « porter atteinte aux personnes ou aux biens. » Sa terminologie floue concernant l’incitation à commettre un acte terroriste implique que des personnes peuvent être poursuivies si elles emploient un terme ou un symbole censé soutenir le terrorisme, que cela débouche sur un acte concret ou non

La loi actuelle viole aussi le droit d’un suspect à organiser sa défense, étant donné qu’elle criminalise, pour un avocat, le fait de ne pas fournir aux autorités « les informations relati[ve]s aux infractions terroristes dont il a eu connaissance », alors que l’avocat est lié par le secret professionnel. Sous Ben Ali, les autorités avaient poursuivi plus de 3 000 personnes en vertu de la loi antiterroriste depuis son entrée en vigueur en décembre 2003. Certaines avaient été inculpées pour avoir prévu de rejoindre des groupes d’activistes violents à l’étranger, ou incité d’autres personnes à y adhérer, et non pour avoir planifié ou commis des actes de violence spécifiques.

Les autorités tunisiennes devraient veiller à ce que tout crime, même de terrorisme, soit clairement et étroitement défini par les lois nationales, de façon à ce qu’on puisse prédire si tel ou tel acte spécifique constituerait un crime. Un rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection des droits humains et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste énonce que l’utilisation de la violence physique meurtrière ou grave contre des membres de la population en général ou de certains groupes doit être l’élément central de toute définition du terrorisme.

Quant à la définition de l’incitation au terrorisme, elle devrait exiger qu’il y ait à la fois une intention spécifique d’inciter à commettre un acte terroriste et un danger concret lié à l’acte commis à cause de cette incitation. La loi devrait aussi être amendée afin de garantir que tous les droits fondamentaux à un procès équitable s’appliquent de la même façon aux personnes inculpées d’infractions terroristes et à celles qui sont inculpées d’autres crimes graves. La loi devrait veiller à ce que les accusés puissent confronter les preuves et témoins principaux contre eux et à ce que l’identité des témoins ne soit protégée que dans des cas exceptionnels. La nature strictement confidentielle des communications entre un avocat et son client, y compris des dossiers de l’avocat, devrait être respectée, et refuser de révéler de telles informations confidentielles ne devrait pas constituer un crime.


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