Publié le 13-04-2023

‘’Malgré les milliards d'euros investis par l’UE, rien n’a vraiment changé en Tunisie’’ : Point de vue de Luigi Narbone

Le professeur Luigi Narbone, qui a eu une longue carrière diplomatique auprès de l'Union européenne et des Nations Unies, ancien chef de la délégation de l'UE en Arabie saoudite, ainsi qu'ambassadeur non résident de l'UE au Qatar, à Oman, à Bahreïn, aux Émirats arabes unis et au Koweït, est revenu sur la situation politique ainsi que économique en Tunisie, lors d’une interview accordée à ‘’E-international relations.’’



‘’Malgré les milliards d'euros investis par l’UE, rien n’a vraiment changé en Tunisie’’ : Point de vue de Luigi Narbone

Interrogé sur les succès et les échecs de l’engagement de l'UE avec la Tunisie ainsi que ses implications pour la future politique étrangère de l'UE, Narbone a souligné :

‘’Le cas de la Tunisie est important pour l'UE car il a une haute valeur symbolique. C'était le premier pays où les soulèvements de 2011 ont eu lieu, et le seul pays qui s'est ensuite dirigé vers une transition démocratique positive. ‘’

Et d’ajouter :’’Pour l'Europe, il s'agissait d'un test décisif pour savoir si et comment elle avait la capacité de promouvoir et de soutenir une transition démocratique aussi réussie. Si vous regardez le sort de pays comme la Syrie et la Libye, cette signification devient plus frappante.’’

‘’Dans mon article, je décris les différentes étapes de l'engagement de l'UE envers la Tunisie. La phase initiale s'est concentrée sur l'accompagnement de la transformation institutionnelle de la Tunisie. Ce processus a été un succès et a conduit à l'adoption d'une nouvelle constitution tunisienne, qui se classe parmi les plus progressistes de la région.

La deuxième phase a mis l'accent sur la sécurité, la Tunisie étant devenue la cible de l'EI et d'autres attaques terroristes. Toujours dans cette phase, l'UE a réussi à soutenir utilement la Tunisie, par le biais de formations en matière de sécurité, de coopération en matière de renseignement et d'autres mesures de soutien,’’ a-t-il expliqué.

‘’Cependant, la principale lacune de ce processus était l'incapacité à favoriser le progrès socio-économique. Dix ans après la révolution, le pays était toujours aux prises avec la stagnation économique et un chômage élevé.

Cela a conduit à un désenchantement généralisé à l'égard de la démocratie parmi le peuple tunisien, ce qui a conduit à son tour à un nouveau cycle de protestations et à l'élection du président Saïd sur une liste populiste.

Cela a également conduit à la frustration du côté de l'UE, car l'UE a estimé que malgré les milliards d'euros investis pour soutenir la transition, la transformation du pays était insaisissable. Je considère que c'est une façon de penser autodestructrice.

Regardez les réussites de nos politiques d'élargissement, comme la Pologne et la Slovaquie. Il démontre que si l'UE peut offrir à un pays des perspectives solides et des horizons à long terme, elle peut déclencher des transformations socio-économiques fondamentales. Ce n'est jamais un processus facile.

Pensez à l'impact que les transformations économiques ont sur la vie quotidienne des citoyens. Les entreprises familiales pourraient faire faillite, les acteurs économiques intéressés résisteront au changement, les troubles sociaux ralentiront le processus. Pour réussir, une approche à long terme est nécessaire, et le soutien extérieur doit également inclure des mesures visant à prévenir ou à absorber les chocs systémiques.

Les politiques et les instruments qui guident un tel processus doivent être modulés en fonction des priorités et des obstacles rencontrés. Il est irréaliste de penser que les situations peuvent changer facilement en trois à quatre ans, les décideurs politiques et les politiciens feraient bien de garder cela à l'esprit. Pourtant, une approche aussi flexible, inébranlable et à long terme n'est pas ce dans quoi l'UE excelle généralement,’’ a conclu le professeur.
 



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