Publié le 06-03-2018

Tunisie : Islamiser la démocratie ou démocratiser l'islam ?

Un an après le Printemps arabe, il est toujours difficile, à Tunis, de conforter les libertés individuelles et d'imposer un État laïc. Les gens veulent du travail et la sécurité. Mais le problème social et économique reste extrêmement difficile. Il faut lutter contre les poches de pauvreté, contre les fermetures d'entreprises, prendre des mesures d'urgence pour réinstaurer le dialogue social, s'efforcer de généraliser la couverture sociale, améliorer les services de santé.



Tunisie : Islamiser la démocratie ou démocratiser l'islam ?

Pour le long terme, il faut entreprendre sans tarder des réflexions sur le rôle de l'État, les modalités de l'aide gouvernementale aux régions, leur aménagement et leur équipement. Pour tout cela, il faut hiérarchiser les priorités et probablement d'abord identifier des zones d'action prioritaires.

 

Veiller à la neutralité des mosquées

 

Des pétitions circulent contre l'incitation à la violence et à la ségrégation au nom de la religion. On regrette que des mosquées se soient transformées en lieu de conflit politico-religieux, qu'elles reçoivent des prédicateurs venus de l'étranger faisant de la surenchère. Ils sont connus pour leur mépris des droits de l'homme. Le problème aujourd'hui, disent les pétitionnaires, est d'institutionnaliser les libertés individuelles et publiques, de garantir les droits sociaux fondamentaux, de répondre à la demande urgente en matière de développement régional, d'appliquer la loi, de veiller à la neutralité des mosquées. Ces pétitions sont signées par des universitaires, des médecins et des représentants des professions culturelles et libérales.

 

Une vérité éclate au grand jour. On peut lire dans Maghreb Magazine : « la Tunisie est bel et bien face à une croisade qui menace ses acquis modernistes au nom d'une certaine théologie. Par exemple, ceux qui agressent les femmes appellent à la révision du code de statut personnel pour abolir la monogamie. Des forcenés qui vont dans le sens d'une trajectoire au bout de laquelle sera bâti l'État islamique sur les décombres de l'hérésie et de la mécréance. Il s'agit en fait d'un djihadisme à caractère révolutionnaire, provocateur outrancier qui se développe selon une ligne d'action qui conduit non seulement vers la prise du pouvoir mais vers son appropriation totale ».

 

« Des leaders de tendance islamiste déclarent que la démocratie n'est pas incompatible avec le Coran, que les élections démocratiques sont le seul moyen d'accéder au pouvoir. Ils affichent leur respect des libertés individuelles, de l'expression de la pensée et des opinions. Ils reconnaissent le droit à la différence. Ils prêchent la douceur et plaident la concorde ». « Mais, ajoute l'auteur de l'article, il faut être vraiment myope pour ne pas voir qu'au même moment, ils continuent leur islamisation à outrance de la société, qu'ils dénoncent la déliquescence des moeurs. C'est une sorte de déguisement : la démocratie au service de la religion. »

 

La question finalement sera de savoir si l'on islamisera la démocratie ou si l'on démocratisera l'islam. La principale problématique reconnue est celle de la place de la religion dans la construction d'un État postrévolutionnaire dans une démocratie respectueuse des libertés individuelles et des droits de l'homme.


Ouest France
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