Publié le 06-03-2018

Evénements de Jbel Chaambi : fin de règne de l’état ou le no man’s land tunisien

Les événements de « Jbel Chaambi » ne peuvent plus passer dans la rubrique « faits divers majeurs » comme nous incite à le faire le chef du gouvernement dans son point de presse donné, après avoir comptabilisé notre douzième blessé dans cette très douloureuse attaque terroriste sur notre propre sol.



Evénements de Jbel Chaambi : fin de règne de l’état ou le no man’s land tunisien


En y regardant de près, pas trop près d’ailleurs car j’ai déjà le vertige, les faits nous révèlent des vérités bien plus grave qu’une simple défaillance technique ou d’un quelconque manquement de réactivité ou de coordination. Il s’agit bel et bien d’un état déstructuré à plusieurs niveaux qui serait probablement entré en phase terminale et sur le point de céder son territoire et ce que lui reste de souveraineté.


Vous diriez peut être que c’est exagéré. Il se peut. Mais je vous invite quand même à revoir ce que je vois de ces événements.


Du coté du commando terroriste :
 


- Ce que nous pouvons constater dans un premier bilan retraçant la quantité des mines implantées et leurs aspects, nous pouvons facilement déduire l’importante logistique dont les membres de ce groupe ont pu bénéficier quant au transport de cette quantité de mines, vu leurs poids et volumes qui diffèrent d’une mine antipersonnel et d’une autre antichar (les deux ont été distinguées) en plus du nombre de combattants nécessaire pour la totalité de la mission et qu’on estime à l’heure actuelle à plusieurs dizaines.
 

- Le temps que cela a pris pour les faire déplacer et procéder à les incruster au sol est assez considérable pour qu’il dévoile une absence totale des tournées de surveillance qu’elles soient d’ordre terrestre ou aérien, que même une équipe de gardiens d’un quelconque parc naturel aurait fait  mieux.
 

- En même temps, ceci nous met face à une évidence indiscutable sur le fait que ce commando a bien joui d’un travail de repérage pour l’emplacement du campement qui serait établi par une autre cellule locale qui ne participerait pas forcément aux opérations armées programmées pour la suite, puisqu’elle serait, éventuellement, amenée à assurer l’approvisionnement en nourriture et autres besoins vitaux, depuis les agglomérations adjacentes.
 

- Il est à noter que les types de mines antichars choisis par ce commando en disent beaucoup sur sa nouvelle stratégie, dépassant largement les activités de trafic d’armes, devenues banales et presque sans intérêt, pour inscrire directement la Tunisie comme cible militaire, visant à détruire ce qui reste de ses structures en se préparant même à une contre offensive de ses corps armées qui useraient de ses armes lourdes. Le message est on ne peut plus clair : le terrorisme ira jusqu’au bout et c’est le moment le plus opportun pour lui.
 

-  Maintenant si nous procédons à un recoupement avec les autres faits se rapportant au stockage d’armes légères et semi lourdes au cœur des grandes zones urbaines un peu partout dans le pays, nous comprendrons qu’il est d’autres opérations projetées en simultanée ou en relais dans ces zones afin de traîner les corps armées dans une guerre hémorragique et asymétrique, à l’avantage net des terroristes.
 

Du coté des médias et de la société civile :


L’implication des différentes parties de la société civile dans une vague de blanchiment des terroristes, sans précédent dans l’histoire de la Tunisie, et de facto dans le blanchiment du terrorisme, s’est illustrée d’abord par la faiblesse des réactions condamnant l’apathie de l’organe de sécurité face au développement des groupes prêchant l’idéologie de la mort et les vertus des attentats suicides, aussi bien dans des lieux publics, privés et dans les mosquées, dont ils détiennent, selon les chiffres du ministère de la foi, 40% de leur nombre total sur tout le
territoire de la république.


D’autre part, l’absence de spécialisation dans le secteur de la sécurité nationale parmi les différentes organisations de la société civile,mis à part l’association tunisienne des études stratégiques et des politiques de sécurité globale, a laissé le champ libre à l’indolence du gouvernement.Sans oublier par ailleurs, l’immense responsabilité des médias locaux dans leur participation à cette vague de blanchiment, en octroyant à des disciples tunisiens de Ben Laden des espaces et des plateaux, dans lesquels ils versaient leurs venins en toute impunité et en toute complicité, volontaire ou involontaire des chaînes concernées. Je rappelle à ce sujet une émission choquante, produite et diffusée par Watanya 2, faisant passer l’un des caïds de l’opération terroriste de « Slimane » en victime héroïque du régime ZABA, valorisant au passage, ses braves tentatives d’évasion de la prison« Erroumi », sans parler des autres plateaux invitant quelques échantillons de ces énergumènes, fraîchement revenus de la Syrie, nous exposant avec fierté et sans complexe aucun leurs activités criminelles à l’échelle internationale. Plus hallucinant, tu te suicides !

 

Du coté de Carthage et de la Qasba :


Tout a commencé par une grâce des plus anarchiques des temps modernes dans les pays sous-développés comme le nôtre. On a ratissé large pour traquer les terroristes dans toutes nos prisons et les chasser tous de ces établissements peu salubres à l’égard de leur santé morale. Ils étaient tous libérés !


Bref, dans cet exposé, il ne s’agit pas de revenir en arrière mais d’essayer au moins de mettre des bouts à cette histoire de fin de règne de la république tunisienne.  Je reprends donc avec le régime en place pour évoquer l’accueil aussi curieux que chaleureux qui a été réservé aux guides spirituels et chefs idéologiques de ces mêmes assassins par le président de ce qu’on appelle encore Tunisie. Une rencontre parmi tant d’autres qui entre aussi dans le cadre d’élever le moral des troupes. Reste à savoir de quelles troupes parle-t-on ? les leurs ou les nôtres ?! et si on y rajoute son dernier prolongement de l’état d’urgence par une décision unilatérale et inconsciente qui nous a coûté la démission de l’une des dernières compétences qui nous restait à la tête de la défense, je crois qu’il n’est plus déplacé de penser au déclin réel auquel nous sommes exposés.


Du coté du gouvernement, les signes de complicité et d’implications directes sont de taille. D’abord notre ambassade à Tripoli et le consulat à Benghazi participent et organisent carrément des voyages vers la Turquie pour des « Moujahidines » tunisiens en direction d’Alep. Le service des renseignements généraux auprès de ladite ambassade n’a rien communiqué non plus au sujet des quantités d’armes et leurs types ainsi que les canaux suivis dans leurs parcours avant qu’elles ne parviennent à leurs dépôts destinés qui sont éparpillés dans tout le territoire.   

Cette même défaillance de renseignements est encore frappante par rapport aux déplacements des groupes armés à travers nos frontières avec l’Algérie.  Elle est aussi conjuguée par un défaut de coordination avec les autorités voisines et surtout une faillite totale au niveau des stratégies et tactiques de contre offensive et d’intervention préventive.
 

Hélas, ce n’est pas tout. D’après les témoignages des pauvres soldats victimes de ces explosions, il s’avère que nos frontières sont délibérément désertées par les forces de police et de garde nationale, sous les ordres de je ne sais qui et que le ministre lui-même n’en connait l’origine. En plus du manque terrible d’équipement de base au point où l’un d’eux affirme qu’il s’est acheté de son propre argent sa tenue de combat. Que dire alors des armes spécifiques, des images satellites, des accessoires sophistiqués, des unités médicales mobiles et bien d’autres dispositions dont je ne saurais les citer toutes.
 

Au dessert de ce menu hitchcockien, je vous ai réservé le volet juridique. En fait, aucune loi n’incrimine l’idéologie jihadiste ni sa propagande. Ce qui nous a permis d’assister à un débat à ciel ouvert, dans les rues de Kasserine, encore plus effrayant que le film de Jbel Chaambi, sur les bienfaits des mines, animé par une foule de jihadistes, sortis parmi les habitants du quartier « Nour », que je me retiens de qualifier par populaire pour ne pas faire d’amalgame incitant à conclure : terrorisme et pauvreté vont de paire.

 

Conclusion :


 A la fin, comment ne pas accuser le régime en place de complicité surtout quand on remet ces événements dans un cadre géopolitique régional qui conspire contre le pouvoir algérien, s’appuyant justement sur ces groupes armés dans les zones frontalières et au moment où un déploiement militaire US suspect vient de poser ses valises sur une base en Espagne, dédié à une intervention potentielle et rapide à Alger vu l’état du régime, qualifié de fragile, à l’image de l’état de santé de son président !


Dans tous les cas de figures, l’état tunisien n’est plus.
 


Seif BEN KHEDER
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