Publié le 06-03-2018
Interview avec Taoufik Jebali (suite)
Son avis à propos du théâtre...
Qu’est ce que vous préférez le plus dans le théâtre : écrire, mettre en scène ou jouer sur scène ?
Premièrement, je n’ai pas de préférence entre les trois… tout est théâtre pour moi. Et puis cela dépend des jours et surtout de mon humeur. Actuellement, je raisonne plus en metteur en scène. Je me trouve plus productif sur ce côté. Concernant l’écriture, rien ne m’inspire ou bien encore je n’ai pas beaucoup de choses à dire ces jours-ci. Donc, je me contente de mettre en scène, bien que jouer sur scène et écrire pour le théâtre me plaisent aussi.
Comment se distingue le théâtre de Taoufik Jebali par rapport aux autres ?
(Après hésitation) je pense que je suis, principalement, dans l’éthique et dans les valeurs humaines. Je me distingue par le respect de l’œuvre et surtout le respect de mon public. Je cherche toujours à me différencier, de sortir du commun et de prendre l’initiative, ce qui fait, d’après moi, ma valeur ajoutée.
Vous voulez dire, autrement, que vous négligez le côté commercial du théâtre ?
Certainement. D’ailleurs, je ne fais jamais du théâtre pour l’argent. Pour moi, c’est une thèse à ne pas défendre. Nous pouvons faire des fortunes par d’autres moyens mais le projet du théâtre n’est pas fait pour l’argent. Je pense qu’ils sont deux éléments loin l’un de l’autre.
Quels est votre apport en terme de formation ?
Actuellement, notre espace compte un nombre respectable d’élèves assidus et doués. Nous faisons des cours d’apprentissage des techniques théâtrales. Autrement, nous n’oublions pas que le théâtre est finalement un moyen de ressourcement que nous devons tester et utiliser en permanence. C’est pour cela que la formation que nous proposons n’est pas destinée nécessairement à faire apprendre le métier du théâtre. Notre apport est le rôle d’éducation que nous jouons. En effet, nous tâchons à travers l’espace, El Téatro, de créer une culture de théâtre qui englobe les valeurs et l’étique de l’art. Nous permettons à nos élèves de découvrir le vrai goût de la vie ; voir le monde avec d’autres yeux.
Vous avez collaboré avec plusieurs générations. Qu’est ce que vous pensez de la nouvelle génération du théâtre ?
En un seul mot ; c’est une catastrophe. La nouvelle génération n’est ni sérieuse, ni assidue dans son travail. Nous ne pouvons pas sentir un nouvel air ou mouvement de contestation qui pousse en avant. Je pense que les jeunes de théâtre ne pensent pas à long terme ou encore n’ont pas l’amour et la passion nécessaires pour cet art. Donc, il n’y a pas dans leur travail cette continuité indispensable pour alimenter et forger leur expérience théâtrale. Finalement, ceux qui sont, soit disant, actifs sur la scène ne cherchent que des petits intérêts purement matériels.
D’après vous, quelles sont les raisons de cette situation ?
Je pense qu’il faut poser cette question, sérieusement, à toute la société tunisienne. Je suis convaincu que les raisons sont principalement sociales. Donc, nous devons réviser nos rythmes de vie, nos intérêts, nos objectifs, nos visions, nos valeurs … cela nous permet de déduire les vraies raisons de la situation actuelle du théâtre.
Pensez-vous donc que cette situation a impacté le théâtre tunisien en général ? Autrement, comment voyez-vous le théâtre tunisien ?
Le théâtre tunisien est dans l’impasse. Je cite un simple exemple ; lors de la préparation « des rencontres des avant-premières » nous trouvons une grande difficulté pour meubler la programmation par des pièces de théâtre à la hauteur. Malgré nos efforts pour pousser les jeunes à créer, le mouvement du théâtre en Tunisie est très lent.
Et le théâtre tunisien à l’échelle mondiale ?
(S’éclate de rire)
Oui, je suis d’accord avec vous sur ce point de vue. En revanche, j’aime préciser qu’il y a une nette différence entre la notoriété nationale et celle individuelle. Certes, nous avons des icônes tunisiennes célèbres mais cela ne veut pas dire systématiquement que le théâtre en Tunisie, dans sa globalité, est aussi reconnu. J’explique mieux par dire qu’une telle notoriété internationale se forge par une puissante et permanente accumulation qui vient de tout le monde et non pas d’une bande de quatre ou cinq artistes.
Malheureusement, cette accumulation n’est pas encore existante en Tunisie.