RSF : Soulagée de la libération de Zied El Heni mais regrette la caution

Reporters sans frontières est soulagée d’apprendre la libération de Zied El Heni, mais regrette que cette remise en liberté n’ait été obtenue qu’en contrepartie du versement d’une caution.



RSF : Soulagée de la libération de Zied El Heni mais regrette la caution

L’organisation réclame l’abandon des charges retenues contre le journaliste. Convoqué le vendredi 13 septembre par le juge du 10ème bureau du tribunal de première instance de Bab Bnet à Tunis, Zied El Heni est poursuivi pour avoir accusé le Procureur de la République d’avoir fabriqué des preuves destinées à justifier le placement en détention préventive du cameraman, Mourad Meherzi, poursuivi pour avoir filmé un jet d’œuf sur le Ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk. Malgré les très vives protestations de ses avocats et le déploiement d’un important dispositif policier devant le tribunal, Zied El Heni a finalement été transféré à la prison de Monarguia où il a été maintenu en détention préventive pendant quatre jours. La caution de deux mille dinars (soit environ 1 000 euros ) versée pour sa libération est le résultat d’une quête citoyenne organisée lundi matin devant le tribunal de Bab Bnet. Le procès du journaliste débutera le 24 septembre prochain.


Le 28 août dernier, lors d’une interview sur la chaîne Nessma TV, Zied El Heni avait montré en direct une copie du procès verbal indiquant que le cameraman d’Astrolab TV, Mourad Meherzi, avait refusé de signer des aveux de complicité avec le réalisateur Nasreddine Shili, contrairement à ce que le ministère public avait prétendu.


Le 13 septembre, le juge d’instruction a délivré un mandat de dépôt à l’encontre de Zied El Heni sur la base de l’article 128 du code pénal, punissant de deux ans d’emprisonnement et de 120 dinars d’amende (soit environ 60 euros) « quiconque, par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité ».


“Cette nouvelle mise en détention préventive est absolument injustifiée et vise à faire taire toute critique concernant la procédure en cours contre Mourad Meherzi. Elle fait monter d’un cran la tension déjà forte en Tunisie”, estime Reporters sans frontières, qui constate une augmentation inquiétante des poursuites intentées contre les journalistes par des personnalités publiques.


“Comme par hasard, le procureur de la République à l’origine des poursuites engagées contre Nasreddine Shili et Mourad Meherzi et de la plainte déposée contre Zied El Heni vient de bénéficier d’une promotion importante au sein de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction tunisienne. Son zèle est aujourd’hui recompensé. L’annonce de cette promotion ne peut qu’être ressentie comme une provocation par les défenseurs de la liberté de la presse”, ajoute Reporters sans frontières.

 

Dans la matinée du 13 septembre, la plainte déposée au nom du président de la République contre le journaliste d’Express FM Zouhair El Jiss a été retirée. Trop tard, car les poursuites étaient déjà engagées dans le cadre d’une affaire de diffamation opposant le chef de l’Etat à l’analyste libanais, Salam Zahran depuis mars dernier. Après avoir été entendu par le juge d’instruction, Zouhair El Jiss a été laissé en liberté.


Zouhair El Jiss attend désormais une nouvelle convocation judiciaire. Reporters sans frontières demande au juge d’instruction de tirer toutes les conséquences du retrait de la plainte en rendant une ordonnance de non-lieu en ce qui concerne le journaliste.


Cette affaire témoigne des abus de procédure au moyen desquelles des personnalités publiques cherchent à intimider les journalistes. En effet, le journaliste doit répondre aux accusations suivantes :

°Article 128 du Code pénal (celui-là même utilisé l’encontre de Zied El Heni) °Article 86 du Code des télécommunications, punissant « d’un emprisonnement de un à deux ans et d’une amende de 100 à 1000 dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ». °Article 57 du décret-loi n°115 relatif à la liberté de la presse, qui punit « toute expression portant atteinte à la dignité, terme de mépris ou insulte ne comportant pas l’imputation de quelque chose de précis » d’une amende de 500 à 1 000 dinars.


“Ces poursuites visant indifféremment le journaliste et l’invité ayant lourdement mis en cause le Chef de l’Etat rappellent distinctement celles intentées contre Mourad Meherzi, qui comparaîtra devant le juge le 23 septembre prochain”, a déclaré l’organisation

L’organisation se déclare solidaire du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui ayant appelé à une grève générale des médias, le 17 septembre, afin de protester contre le harcèlement judiciaire visant la profession.


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