Publié le 06-03-2018

En 2012, un journaliste est tué tous les cinq jours dans le monde

A l’occasion du 3 mai 2012, journée mondiale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières dénonce le rythme effréné des violences contre les journalistes et les net-citoyens, et publie un constat sans appel : depuis le 1er janvier 2012, un acteur de l’information est tué tous les cinq jours. Depuis le début de l’année en effet, 21 journalistes, 6 net-citoyens et citoyens-journalistes ont été tués, notamment dans des zones de conflit comme la Somalie et la Syrie.



En 2012, un journaliste est tué tous les cinq jours dans le monde

L’organisation actualise également sa liste des prédateurs de la liberté d’informer, qui s’élève cette année à 41 membres. “Nos crimes ne doivent pas souffrir de témoins”, “aucune autre voix que la nôtre” : tels sont les mots d’ordre des régimes autoritaires et des groupes armés hostiles à la liberté d’informer. Répression des mouvements de contestation populaire dans certains pays du monde arabe, étouffement de l’opposition politique, de la dénonciation et de la critique dans d’autres parties du globe. Les quatre premiers mois de l’année 2012 ont été particulièrement violents pour ceux dont la vocation est d’informer.


Les nouveaux prédateurs de la liberté d’informer


Le premier trimestre 2012 a largement démontré que ces prédateurs, à l’instar de Bachar Al-Assad et des milices somaliennes, pouvaient se comporter en véritables bouchers.


Si elles ont fait tomber un certain nombre de dictateurs qui figuraient sur cette liste - Mouammar Kadhafi en Libye et Ali Abdallah Saleh au Yémen, notamment - les révoltes populaires de 2011 n’ont malheureusement pas réussi à réduire le nombre global de ces ennemis de l’information. Six nouveaux prédateurs font, en effet, leur entrée dans ce sinistre “club” en 2012 : le groupe islamiste Boko Haram, qui fait régner la terreur au Nigéria ; le Conseil suprême des forces armées en Egypte, qui assure malheureusement la relève du dictateur déchu Hosni Moubarak en termes d’atteintes à la liberté d’informer ; le ministre de l’Information, des postes et des télécommunications du gouvernement fédéral de transition en Somalie, responsable de pressions et d’intimidations à l’encontre de la presse ; Vasif Talibov, tout-puissant dirigeant de la région du Nakhitchevan en Azerbaïdjan ; les services de renseignement au Pakistan ; et enfin Kim Jong-un, qui perpétue la dynastie prédatrice en Corée du Nord, après la mort de son père, King Jong-il.

 


Tendance notable, un nombre croissant de pays subissent la présence de deux prédateurs à la fois. Six Etats sont actuellement dans ce cas. Ainsi, la Somalie, où le ministre de l’Information du gouvernement fédéral de transition rejoint la milice islamiste Al-Shabaab ; le Pakistan, où les services de renseignements et les taliban ciblent de concert les professionnels de l’information ; l’Azerbaïdjan, où Vasif Talibov, potentat de la “République autonome” du Nakhitchevan, a transformé son fief en laboratoire des méthodes de répression généralisée par le président de la République, Ilham Aliev ; la Russie, où Vladimir Poutine et son “chien de guerre” Ramzan Kadyrov, violent président de la République de Tchétchénie, ont en commun le goût de la manière forte et des formules choc ; les Territoires palestiniens, où les journalistes subissent la dure loi des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne d’un côté, et du gouvernement du Hamas à Gaza de l’autre ; et enfin l’Iran, où le Guide suprême Khameneï et le Président Ahmadinejad, malgré leurs rivalités, s’entendent toujours pour museler la presse. La République islamique se classe toujours, avec l’Erythrée, la Chine, la Turquie et la Syrie, parmi les premières prisons du monde pour les journalistes.


 

D’autres personnalités, comme le président de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh, mais aussi les chefs d’Etat soudanais et ougandais, Omar el-Béchir et Yoweri Museveni, sont aux portes de la liste des prédateurs. Le Yémen, qui a connu une année 2011 particulièrement éprouvante, reste sous surveillance depuis le départ du pouvoir d’Ali Abdallah Saleh. A contrario, le président birman, Thein Sein, pourrait se révéler, en 2012, comme le président de l'ouverture et de la démocratisation de la Birmanie et se voir ainsi retirer de la liste des prédateurs.

 



Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont longtemps figuré parmi les prédateurs, aux côtés des groupes paramilitaires de ce même pays, pour leur part maintenus dans la liste. Affaiblie, la guérilla avait, en effet, nettement réduit ses actions de représailles ciblées envers les journalistes depuis quelques temps. Le nom des FARC resurgit dans le contexte de la récente disparition du journaliste français indépendant Roméo Langlois, le 28 avril 2012, après une attaque des rebelles contre un convoi militaire dont il couvrait l’opération antidrogue. La thèse de l’enlèvement par les FARC n’est, à cette heure, pas clairement confirmée. Mobilisée par cette affaire avec toute la prudence de rigueur, Reporters sans frontières entend profiter de cette Journée mondiale pour saluer le courage professionnel de Roméo Langlois et exprimer tout son soutien à sa famille et à ses collègues.

 


Vulnérabilité des professionnels de l’image et des citoyens-journalistes
 

 

Les journalistes indépendants, de plus en plus nombreux à couvrir les conflits, ont notamment payé un lourd tribut au cours des quatre premiers mois de l’année. Reporters sans frontières rend un hommage particulier aux citoyens-journalistes, derniers remparts de la liberté d’informer quand leurs gouvernements s’efforcent de réprimer à l’abri des regards extérieurs. Cameramen et photographes figurent aussi parmi les cibles privilégiées, les régimes répressifs ne connaissant que trop la puissance d’évocation des images et leur pouvoir d’information.

 



Prenant la mesure des bouleversements engendrés par les Printemps arabes, Reporters sans frontières a décidé d’accompagner les nouveaux gouvernements de la zone dans leur cheminement vers la démocratie. Après s’être doté d’un bureau en Tunisie, l’organisation ouvrira une représentation en Libye pour encourager les efforts des autorités en faveur de la construction d’une presse libre et pluraliste. Ces Printemps sont cependant loin d’avoir tenu toutes leurs promesses. Nous devons rester vigilants, d’un côté, face aux tentatives de manipulation de nouveaux gouvernements qui veulent faire passer les mouvements de contestation pour “terroristes”, et de l’autre, face aux tendances liberticides de certains groupes protestataires.

 



Sécurité des journalistes et textes internationaux

 



Face à l’insécurité croissante qui frappe aujourd’hui les journalistes, Reporters sans frontières :


 



- invite la presse à entamer une réflexion sur la protection des pigistes, fixeurs et journalistes locaux auxquels elle a recours, ainsi qu’à celle de ses sources d’information et des personnes interviewées.

 


 

- appelle les États à traduire en actes, de façon efficace, les dispositions internationales relatives à la protection des journalistes. Un état des lieux spécifique doit être immédiatement effectué quant à l’application de la résolution 1738 du Conseil de sécurité de l’ONU, plus de cinq ans après son adoption. Les Etats doivent prendre leurs responsabilités et assumer les obligations découlant des paragraphes 6 et 7 de la résolution. Ces dispositions prévoient des obligations de prévention et de répression afin de mettre un terme à l’impunité des violations du droit humanitaire commises contre les journalistes.

 

 



- demande une révision des statuts de la Cour pénale internationale, pour permettre de viser cette catégorie particulière de civils que sont les journalistes, comme cela est déjà le cas pour le personnel humanitaire.


 



- enjoint les États d’adopter d’urgence le plan d’action et le projet de décision sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité élaborés par l’UNESCO en mars 2012.


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