Publié le 06-03-2018

Visite du FMI et déclaration de son chef de mission : Le ton utilisé dans la déclaration est sévère, estime Radhi Meddeb

Radhi Meddeb, économiste et PDG fondateur du groupe Comete Engineering, s’est exprimé dans un article qu’il a publié mercredi 8 février, au sujet de la visite des services du Fonds Monétaire international en Tunisie et sur la déclaration de leur chef de mission. 



Visite du FMI et déclaration de son chef de mission : Le ton utilisé dans la déclaration est sévère, estime Radhi Meddeb

Voici l’article publié par Radhi Meddeb : 

Le Fonds monétaire vient de conclure une visite en Tunisie par une déclaration de son chef de mission.

Il faut d’abord relever le vocabulaire. Il ne s’agit pas d’une revue de programme mais d’une visite des services. La nuance est importante. Il en découle deux choses, d’abord que la revue du programme, suspendue en novembre dernier reste ouverte, ensuite qu’il ne découlera de cette visite ni rapport au Conseil d’administration du FMI ni encore moins déblocage de la deuxième tranche en faveur de la Tunisie.

Le ton utilisé dans la déclaration est sévère. Il tranche avec le langage diplomatique généralement utilisé. Il y fait mention de « redoutables défis macroéconomiques », de « dette publique qui continue à s’alourdir », de « croissance faible », de « dérapages de la politique budgétaire », de « masse salariale de la fonction publique parmi les plus élevées au monde », de « déficit des transactions courantes considérable ».

Les qualificatifs ne manquent pas. Ils interpellent plus les uns que les autres.

Dans une formule elliptique où il dit partager l’avis des autorités tunisiennes, le FMI énonce les urgences de l’heure : protéger la santé des finances publiques, améliorer la mobilisation des recettes fiscales de manière juste et efficiente, rationaliser la masse salariale du secteur public et mettre en place le mécanisme de révision des prix des carburants.

Les mesures structurelles sont également rappelées : assurer la viabilité du système de sécurité sociale qualifiée de « priorité importante », retrouver « une croissance plus forte », « créer davantage d’emplois et veiller à ce que tous les Tunisiens continuent à bénéficier de services de base adéquats».

Les non dits sont tout aussi importants que ce qui est dit.

Les reproches aux autorités sont à peine voilés.

- Le mécanisme de révision des prix des carburants existe déjà. Lancé en 2010, il avait été abandonné avec la Révolution, pour réapparaitre en juillet 2016, il est de nouveau oublié moins de six mois plus tard. Le rappel est clair : il faut faire preuve d’un minimum de persévérance dans les réformes engagées.

- L’appel à une fiscalité juste et efficiente laisse entendre que les réaménagements fiscaux de la dernière loi des finances ne vont pas assez dans cette direction. La fiscalité est alourdie pour les entreprises organisées et transparentes. Elle continue à éviter tout affrontement avec les opérateurs de la contrebande et de l’économie informelle.

- Les mesures adoptées dans la loi des finances 2017 sont insuffisantes. Elles ne réduiront que de manière modeste le déficit budgétaire.

A défaut de prendre le taureau par les cornes et de rationaliser les déficits énoncés mais aussi ceux qui ne le sont pas, à l’instar de celui de la caisse de compensation dont 90% des interventions continuent à bénéficier à des consommateurs qui ne devraient pas en relever, les menaces sont claires. Elles sont rappelées en creux dans la déclaration : risque de dérapages des finances publiques aboutissant à l’incapacité de l’Etat à continuer à faire face à ses engagements financiers, risque de dégradation de la qualité des prestations de services de base: santé, éducation, retraites…

Cette déclaration intervient moins d’une semaine après celle de l’agence de notation Fitch dégradant la note souveraine de la Tunisie et de sa dette publique. Là aussi le ton était sévère et le constat cinglant. Malheureusement, par myopie ou suffisance, cette alerte a été écartée par beaucoup comme relevant d’un complot international cherchant à dégrader les conditions d’accès de la Tunisie aux marchés des capitaux privés.

Les nuages s’amoncellent. Il est urgent que l’ensemble de la classe politique, des partenaires sociaux, de la société civile et plus généralement toutes les parties prenantes prennent conscience de la sévère dégradation de la situation économique et financière, de la nécessaire solidarité pour y faire face dans l’effort, l’inclusion, la justice et l’équité.

Nos partenaires, de tous bords ont réaffirmé récemment, en marge de la conférence internationale Tunisia2020, leur disponibilité à nous accompagner dans notre transition économique. Il ne dépend que de nous pour que ces vœux ne restent pas pieux et se transforment, au plus vite, en projets et réalisations visibles qui changent le quotidien des populations et impulsent l’espoir d’un avenir meilleur.


Radhi Meddeb

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