Publié le 06-03-2018

Lettre de démission de Hédi Ben Abbes

Hédi Ben Abbes a présenté, dimanche 28 juillet, sa démission du bureau politique du Congrès pour la République. Ci-joint sa lettre de démission. 



Lettre de démission de Hédi Ben Abbes

Je soussigné Hédi Ben Abbes membre du bureau politique du Congrès Pour la République déclare à tous les militants du parti qu’après avoir constaté l’échec de toutes les tentatives de réformer le parti de l’intérieur et de le recentrer sur les principes fondateurs du CPR, je déclare par la présente ma démission de ce parti pour cause de divergences profondes dans la vision politique. 


Tunis, le 26 juillet 2013. 


Il est certainement de mon devoir de vous donner une explication sur les raisons profondes de ma démission de mon parti le CPR. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point il m’était douloureux de prendre une telle décision car j’ai aimé ce parti, je l’ai défendu avec sincérité et enthousiasme, j’y ai cru, cru en son avenir, en sa capacité à apporter LA SOLUTION pour notre pays, à servir de parti fédérateur de toutes les bonnes volontés et toutes les forces démocratiques qui refusent le clivage idéologique et croient dans les valeurs d’une démocratie apaisée respectueuse des différences. Une démocratie qui rassemble les Tunisiens pour qu’ils puissent relever ensemble le défi du développement économique et social comme élément essentiel pour l’avenir de la démocratie en Tunisie. J’ai cru dans toutes ces valeurs et je voyais le CPR comme porteur de ce projet. 


Le Dr Marzouki nous a légué un trésor et regardez ce que nous en avons fait ! Depuis qu’il avait quitté le parti, il n’y a eu que des problèmes, le parti n’a pas cessé de régresser, de se replier sur lui-même. Il a cessé d’être attractif, au lieu de grandir il n’a fait que se rétrécir comme une peau de chagrin. Aujourd’hui nos militants se comptent sur les doigts de la main, notre image est ternie dans l’opinion publique, et nous avons cessé d’être une possible alternative républicaine et démocratique pour notre pays. Nous avions toutes les chances de grandir, de représenter l’espoir pour la Tunisie et son avenir car nous étions porteurs d’un projet unique, celui de concilier les islamistes modérés avec les laïques modérés dans une Tunisie apaisée et sereine. Regardez le résultat, faites votre bilan, compter vos troupes et vous verrez ce qu’est devenu le CPR. 


Nous avions traversé plusieurs crises, et jamais nous n’avions tiré les bonnes conclusions, jamais nous nous sommes remis en question et cherché les raisons politiques et stratégiques de cette hémorragie. Tout ce que nous avions fait c’est tout simplement une fuite en avant, attendre que la crise passe et se retrouver au même point à la même case de départ. 


Je suis moi aussi responsable de cette situation, je n’ai peut être pas réagi à temps, ou suffisamment fort pour contraindre tout le monde à réagir et à affronter le problème sans perdre de temps. Toujours est-il, quand j’ai décidé de réagir, d’abord en interne et ensuite en public, j’ai rencontré une résistance farouche. Personne ne s’était dit qu’il avait peut être raison, essayons au moins d’étudier la question, essayons de lui montrer qu’il avait tort de s’inquiéter et que le parti allait bien et que sa lecture politique n’était pas juste. Non, personne n’a essayé d’organiser ce débat nécessaire au parti. Tout ce qu’ils ont fait c’est éviter de se poser ces questions fondamentales, et d’éviter ce Ben Abbes devenu gênant. C’est ainsi qu’ont commencé les campagnes de dénigrement, les mensonges à mon encontre, les manipulations les plus ignobles, tous unis pour réduire ma voix au silence et me faire passer pour un monstrueux « ultra-libéral » défenseur du FMI en jouant ainsi sur l’esprit « révolutionnaire » des uns et l’ignorance des autres. J’ai dû supporter pendant des mois toutes ces ignobles manœuvres et j’ai continué à provoquer le débat mais sans succès. La dernière tentative était fin juin à Hammamet quand j’ai produit un document où j’ai proposé une ligne politique pour le parti dans le respect des principes fondateurs du CPR. Vous constatez que personne n’a proposé une autre ligne au CN et personne n’a discuté la mienne. Posez-vous la question, avions-nous affronté les problèmes du parti alors que tout le monde savait qu’il y avait une crise interne et externe ? Avions-nous proposé une stratégie pour assainir la situation et donner au parti un nouvel élan ? RIEN, RIEN, RIEN et tout le monde est rentré chez soi comme s’il ne s’était rien passé. C’est ça la réalité du parti. 


Regardez notre parti aujourd’hui, posez des questions aux gens dans la rue, dans les cafés, dans votre famille et vous aurez toujours les mêmes réponses négatives et accablantes pour le parti. Les militants qui croyaient dans le projet CPR, qui croyaient dans son avenir, ne sont plus là ils sont tous partis. Voilà la réalité amère du parti et voilà comment on a transformé l’or en plomb, et comment le beau projet de Dr Marzouki a été enterré par ceux qui devaient le réaliser et le faire grandir. 


J’ai toujours pensé que l’intérêt du pays devait passer avant tout autre intérêt, que le parti n’était rien d’autre qu’un outil au service du pays, que la réussite du parti c’est la réussite de notre pays, lisez mes écrits, mes déclarations et vous verrez que j’étais et je le suis encore quasiment obsédé par la Tunisie, par le projet d’une tunisianité faite de modération et de volonté de vivre ensemble avec nos différences. J’ai fait tout ce que je pouvais pour renforcer le CPR pour qu’il soit porteur de ce projet. Après une année de tentatives et de patience, après tous les efforts déployés pour défendre l’indéfendable parfois et pour préserver l’image du parti à l’extérieur, j’avoue aujourd’hui qu’il ne me reste plus qu’à jeter l’éponge. Il ne me reste plus qu’à me rendre à l’évidence : ceux qui ne veulent rien changer ont gagné la bataille, ceux qui n’ont pas le rêve d’un grand CPR ouvert ont gagné. J’avoue que parfois les slogans « chi3aarat » arrivent à masquer les vrais projets, car les slogans s’adressent aux sentiments mais les projets s’adressent à la raison et je constate que les sentiments l’emportent parfois sur la raison. 


Je vous souhaite une bonne continuation, mon cœur reste attaché aux idéaux du CPR, et si Rabbi nous garde en vie, vous aurez la preuve de la véracité de mes propos. Rabbi m3akom.

Fraternellement. 


Hédi Ben Abbes 


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