Publié le 06-03-2018

Al-Jazeera veut maintenir son taux d'audience malgré les critiques

Portée au faîte de sa popularité par les soulèvements arabes qu'elle a couverts en direct, Al Jazeera tente de maintenir son taux d'audience malgré les critiques visant son appui aux nouveaux pouvoirs islamistes et l'éclosion de chaînes locales.



Al-Jazeera veut maintenir son taux d'audience malgré les critiques

La chaîne du Qatar a assuré récemment qu'elle demeurait la première télévision d'information arabe, sur la base de résultats compilés à partir de deux études d'audience effectuées par l'institut Ipsos dans 11 pays arabes, et l'institut Sigma Conseil dans les dix pays restants.

"Nous  avons choisi de publier ces résultats pour faire face à une campagne nous visant après les révolutions arabes, plusieurs parties tentant (...) de répandre des rumeurs selon lesquelles notre taux d'audience a baissé", a déclaré à l'AFP le directeur général du réseau Al-Jazeera, Ahmad ben Jassim Al Thani.

Les détracteurs de la chaîne affirment qu'elle a surtout enregistré un recul dans les pays où les islamistes, issus des rébellions qu'elle a soutenues, ont pris le pouvoir.

"Même si elle demeure en tête des chaînes arabes, la façon dont Al-Jazeera a couvert les changements dans le monde arabe au cours des deux dernières années a beaucoup entamé sa crédibilité", affirme Yasser Abdel Aziz, un spécialiste égyptien des médias.

En Egypte, la chaîne "est devenue partie prenante dans le conflit politique" car elle est "l'instrument médiatique de la politique du Qatar" soutenant les islamistes, ajoute-t-il.

La chaîne se défend de soutenir les islamistes, assurant selon son directeur général qu'il s'agit "d'accusations infondées" et qu'elle veut préserver à tout prix son objectivité.

Créée par le Qatar fin 1996, Al-Jazeera, qui appartient au gouvernement de cet Etat richissime a été une tribune pour les contestataires de tous bords des régimes autoritaires arabes, et se targue d'avoir ainsi contribué au Printemps arabe.

"L'arrivée au pouvoir en Tunisie et en Egypte de gouvernements démocratiquement élus dévitalise sa fonction de chaîne de la contestation qui a fait sa popularité", explique Mohammmed El Oifi, spécialiste des médias et des opinions publics dans le monde arabe.

"Comme ces nouveaux gouvernements sont issus des rangs islamistes, les oppositions accusent la chaîne de soutenir les islamistes. C'est un véritable dilemme pour Al-Jazeera dans la mesure où elle avait habitué ses publics à contester les pouvoirs en place", ajoute M. El Oifi, enseignant à la Sorbonne.

Emergence de chaînes locales

Aujourd'hui, la chaîne consacre le plus gros de sa couverture au sanglant conflit qui s'éternise en Syrie. Interdite par les autorités, elle indique avoir formé des journalistes locaux soigneusement choisis et envoyer des équipes dans les zones tenues par les rebelles.

 

Mais elle doit faire face à une concurrence féroce d'Al-Arabiya, sa principale rivale, qui appuie également sans équivoque la rébellion, après avoir couvert de façon plus mesurée les soulèvements égyptien ou tunisien.

Il s'agit d'une "convergence ponctuelle" entre les deux chaînes selon M. El Oifi, qui indique qu'elle résulte de la convergence des positions de l'Arabie saoudite et du Qatar sur le dossier syrien.

Les chaînes panarabes font en outre face à une nouvelle concurrence avec l'émergence des télévisions locales dans les pays où des régimes répressifs sont tombés.

En Tunisie, depuis la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, "ce sont les chaînes locales qui ont le plus d'audience et ont détrôné les chaînes arabes (...) car elles assurent une plus grande couverture de l'actualité et ont surtout une liberté de ton", déclare l'universitaire tunisien Mohamed Larbi Chouikha.

"Il est vrai qu'Al-Jazeera fait face à une plus grande concurrence aujourd'hui dans les pays du 'Printemps arabe', mais elle demeure la référence, surtout lorsqu'il y a des +breaking news+", assure Hassen Zargouni, directeur de Sigma conseil.

L'émergence des chaînes locales "n'a pas affecté l'audience d'Al-Jazeera, car la demande sur l'information est devenue plus importante", assure le directeur général de la chaîne. Il précise qu'Al Jazeera "encourage au contraire ces nouvelles chaînes et fournit une aide et une formation aux nouvelles télévisions en Libye, en Tunisie et au Yémen".


AFP
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