Publié le 06-03-2018

Fédération Interprofessionnelle du Tourisme Tunisien : La culture est-elle une cinquième roue du carrosse?

La Fédération Interprofessionnelle du Tourisme Tunisien (FIT)* a adressé à la ministre de la culture une lettre réclamant l’abrogation du le décret n° 2009-2197 ainsi que la mise en place de mesures pour relancer le secteur :
 



Fédération Interprofessionnelle du Tourisme Tunisien : La culture est-elle une cinquième roue du carrosse?

La culture est-elle une cinquième roue du carrosse?
Plus de cinq années après une révolution, qui n'a entraîné aucune évolution, peut-on encore espérer une reconnaissance d'un droit à la culture? à une culture indépendante? à une culture sans tutelle et sans brides inutiles ?
Nous attendons toujours et encore des réformes, des lois, des mesures, des CMR bienveillants...
Arrêtons les discours, les promesses … le même scénario dur depuis des décennies.
Passons à l'action, le Monde nous observe !

La culture pourrait devenir génératrice de revenus et d’emplois à condition que les pouvoirs publics décident des réformes nécessaires pour développer l’entreprenariat culturel.

En effet, le secteur culturel est actuellement tributaire du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine qui, lors de sa création à l’indépendance, avait été conçu comme un incitateur de la vie culturelle mais aussi un opérateur culturel (avec la création et la gestion de nombreux festivals étatiques). Cette vision était alors justifiée par le « désert culturel » qui caractérisait notre pays.

Aujourd’hui cet interventionnisme étatique est dépassé. Avec l’adoption de la Constitution du 27 janvier 2014, le Droit à la Culture est aujourd’hui constitutionnellement garanti.

La démocratisation et l’accès à la culture pour tous nécessitent des réformes urgentes. Ces réformes doivent s’inscrire dans la redéfinition de la mission du Ministère de la Culture et dans la révision des procédures administratives et fiscales. C’est à cette condition que les entrepreneurs culturels pourront exercer leurs activités et offrir au peuple tunisien, dans les grandes villes et les régions, une culture salvatrice, gage d’ouverture de l’esprit, et meilleur rempart contre certains des maux qui menacent notre pays aujourd’hui.

A l’heure de la globalisation et de la libre circulation des personnes, des biens et des produits culturels, il serait temps d’abroger la "Commission Consultative des Spectacles Artistiques animés par des étrangers" qui oblige les organisateurs d’évènements culturels à se soumettre à des procédures administratives des semaines, voire des mois avant la tenue d’évènements.

Une taxation inique et inconstitutionnelle
L’article 10 de la constitution du 27 janvier 2014 dispose que l’impôt est calculé « conformément à un régime juste et équitable ». Or, non seulement nous fonctionnons encore au cas par cas mais nous sommes face à une inégalité flagrante entre évènements publics et privés.

Le promoteur privé ne peut annoncer son évènement qu’après avoir payé l'ensemble des taxes et droits par avance (y compris, les retenues à la source sur les cachets des artistes avant leur arrivée dans le pays) !
Il est urgent d’abroger le décret n° 2009-2197 du 20 juillet 2009 qui est en total décalage avec les procédures et exigences internationales du domaine (paiements d’avances, liberté d’entreprendre). Il est également urgent de revoir les différentes taxations excessives des événements culturels privés avec l’objectif d’aboutir à une détaxation de la culture afin de la rendre plus accessible à tous. En effet, un simple calcul permettrait de démontrer que les retombées financières des activités culturelles sur l’économie seraient beaucoup plus importantes que les revenus fiscaux qu’elles génèrent actuellement.

Une étude publiée en France en 2013* fait ressortir le poids significatifs du secteur culturel avec 104,5 milliards d’euros d’apports directs et indirects à l’économie française en 2011, soit 3,2 % du PIB national, 670 000 personnes employées soit 2,5 % de l’emploi actif.

Les mesures proposées :


Pour être constructifs voici quelques mesures à prendre pour relancer le secteur et rendre les démarches plus équitables :

Par le Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine :

- Revoir et assouplir le cadre juridique qui régit les festivals et événements animés par des artistes étrangers et organisés par des promoteurs privés ;

- Accorder les mêmes privilèges aux professionnels du secteur que pour ses propres festivals ;

- Soutenir les festivals privés et non les freiner par des contraintes juridiques et financières en amont et en aval ;

- Apporter le soutien nécessaire aux promoteurs privés pour accéder aux espaces de spectacles « indoor et outdoor» gérés actuellement en quasi exclusivité par l'Etat ou par les services du Ministère de la Culture ;

- Réviser le statut et compétences de l'Organisme Tunisien des Droits d'Auteurs afin qu’il ne soit plus un frein administratif et financier supplémentaire. Définir clairement les bases de calculs de ces droits et ne plus exiger un paiement au préalable. Pour être sur le même pied d'égalité que les festivals étatiques, des conventions devront être aussi signées avec les festivals et promoteurs privés.
L’OTPDA doit rétrocéder aux auteurs étrangers la quote-part des droits qu’il a prélevé et pour lequel l'organisateur est engagé contractuellement avec les artistes ;

- Revoir le cahier des charges régissant la profession et corriger les incohérences qui y figurent. Remettre de l'ordre dans les listes "périmées et non conformes" des organisateurs et intermédiaires de spectacles ;

- Redéfinir le rôle de législateur, de planificateur et de soutien à toutes les cultures du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine afin de créer les bases juridiques et réglementaires pour favoriser le développement d’une industrie culturelle ;

- Lister et définir clairement les avantages liés au caractère culturel attribué par le Ministère de la Culture ;

- Étendre au sponsoring les avantages attribués au mécénat culturel ;

- Établir une caution de l'État (donc du Ministère de la Culture) pour permettre à tous les promoteurs de pouvoir s'assurer correctement contre les annulations dues à la situation politique du pays ;

- Éviter la "collision" des manifestations étatiques/privées en établissant un calendrier annuel des principaux évènements du pays ;

- Créer une fonction de "décideur" au niveau du Ministère de la Culture qui joue le rôle de facilitateur : autorisations, sécurité, coordination avec les responsables locaux et régionaux. Et qui, de même, veillera à s'assurer de la célérité des réponses administratives aux promoteurs privés ;

- Enfin désengager l'État (Le Ministère de la Culture) de l'organisation des festivals.

Par la Banque Centrale :

- Libérer le paiement des artistes étrangers ;

- Assouplir la réglementation de change en matière de transfert des honoraires des artistes étrangers pour ne plus avoir recours aux autorisations préalables. Autoriser le paiement des avances pour répondre aux exigences internationales en la matière et être ainsi sur un pied d'égalité avec les festivals étatiques ;

- Accorder un statut spécifique aux intermédiaires (agents artistiques) dument reconnu et agréés pour l'exercice de leur métier leur permettant de contracter avec les artistes étrangers en toute sérénité.

Par le Ministère des Finances :

- Revoir les différentes taxations excessives des événements culturels privés avec l’objectif d’aboutir à une détaxation de la culture afin de la rendre plus équitable et accessible à tous ;

- Exonérer de taxes les prestations de services non facturées par les partenaires (compensation) ;

- Simplifier les procédures en vigueur et traiter tous les opérateurs, associations, privés, étatiques sur le même pied d'égalité.

Par le Ministère du Tourisme :

- Considérer les promoteurs d'évènements internationaux comme faisant partie des métiers liés à l'animation touristique et au tourisme évènementiel ;

- Promouvoir à l’étranger les meilleures manifestations ;

- Établir un calendrier annuel des évènements majeurs du pays et sensibiliser les Tour Opérateurs pour développer un tourisme culturel (à l’instar du Maroc) en leur donnant une envergure internationale.

Par le Ministère de l’Intérieur :

- Ne plus exiger les copies des passeports des artistes et musiciens étrangers (au même titre que pour les festivals étatiques) et supprimer l’autorisation préalable d’entrée sur le territoire tunisien pour les artistes étrangers ;

- Créer une fonction de "super décideur" au niveau du Ministère de l’intérieur qui joue le rôle de facilitateur : autorisations, sécurité, coordination avec les responsables locaux et régionaux. Une fonction qui doit être occupée par un homme de Culture mais qui appartient au Ministère de l’Intérieur ;

- Publier un texte transparent sur les honoraires à percevoir par les forces de sécurité et le vis-à-vis à payer.


*Fondée le 1er Mars 2016, la Fédération Interprofessionnelle du Tourisme Tunisien (ex Groupement Professionnel du Tourisme au sein de la CONECT) est un syndicat interprofessionnel qui a la particularité de regrouper divers opérateurs (personnes morales, personnes physiques, associations, syndicats, ONG…) ayant un lien direct ou indirect avec le secteur touristique tunisien.
 


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