Publié le 06-03-2018

La petite corruption, un danger banalisé d’un coût calculé aux milliards

La petite corruption, souvent liée à l’administration et aux agents publics, a causé des pertes estimées à 450 millions de dinars en 2013, en Tunisie, de quoi réaliser 50 kilomètres d’autoroutes, selon une étude réalisée et présentée mercredi à Tunis, par l’Association tunisienne des contrôleurs publics (ATCP), en collaboration avec le bureau d’études « EMRHOD Consulting ».



La petite corruption, un danger banalisé d’un coût calculé aux milliards

Ce phénomène, qui trouve son origine dans la bureaucratie excessive, est défini par les Tunisiens interrogés dans le cadre de cette étude, comme étant tout acte de paiement d’argent pour un service et aussi les pots-de-vin, le népotisme, le favoritisme, le régionalisme, les faveurs, l’échange de services rendus, les cadeaux…

Malgré les dispositifs de gouvernance et de lutte contre la corruption mis en place après la révolution, 77% des Tunisiens estiment que le phénomène de la corruption n’a cessé d’augmenter durant les dernières années et 89% d’entre eux considèrent que l’absence de volonté politique est l’une des causes de sa prolifération.

81% des Tunisiens considèrent que la faiblesse des structures de contrôle est aussi l’une des principales causes de la corruption.

L’étude baptisée « la petite corruption, le danger banalisé », met l’accent sur ce fléau «qui se propage d’une façon endémique et risque de devenir une fatalité socioculturelle, car le citoyen le tolère pratiquement, à son insu».

« Ce phénomène touche le citoyen dans son vécu quotidien. Il contribue aussi, à l’accroissement des inégalités et de la pauvreté », insiste l’étude, qui fait ressortir que 27% des Tunisiens ont payé des pot-de-vin, dans la plupart des cas pour accélérer les procédures administratives, bénéficier d’un avantage dont ils n’ont pas droit, échapper à une sanction ou alléger un impôt.

Ce chiffre est suffisamment élevé pour déclencher la sonnette d’alarme selon l’ONG « Transparency international » qui considére que la situation nécessite un effort sérieux pour réagir, identifier les causes et surtout élaborer une stratégie nationale de lutte contre la corruption.

« Cette stratégie nationale doit reposer sur des études scientifiques en plus des études d’exploration et de perception de la petite corruption comme celle de l’ATCP », a déclaré Charfeddine Yaâkoubi, président de l’association.

L’étude dévoile que 75% des Tunisiens pensent que la petite corruption est à l’origine de la criminalité et du terrorisme et 74% d’entre eux reconnaissent qu’elle affecte le pouvoir d’achat du citoyen, 43% des enquêtés trouvent qu’elle est nécessaire pour arranger certaines transactions et 39% vont jusqu’à la qualifier d' »habitude ».

« Ceci est très dangereux et révéle un problème sociétal assez sérieux, dénotant d’une certaine schzophrénie dans la relation quotidienne du tunisien avec le phénomène », ont fait remarquer les présentateurs de l’étude et membres du bureau exécutif de l’ATCP.

Les résultats de l’étude montrent une certaine acceptation globale de l’acte, bien que le tunisien perçoive la corruption comme une forme de décadence morale qui déroge aux principes de la religion,

Cette attitude de non refus catégorique de la corruption est aussi perceptible à travers la réaction des Tunisiens à ces pratiques. 84% des personnes questionnées non pas dénoncé des actes de corruption alors que que 91% des Tunisiens estiment qu’il faut dénoncer les pratiques de corruption pour lutter contre ce phénomène.

Paradoxalement, 87% des Tunisiens ont dit que leurs voix ne sont pas entendues lorsqu’ils dénoncent la corruption. Ceci est révélateur d’un manque de confiance du tunisien en les institutions de l’Etat.

« Si l’Etat opte vraiment pour une stratégie anti- corruption efficace et efficiente, il est nécessaire de cibler l’environnement de gouvernance avant de s’attaquer directement aux comportements corrompus », recommande l’étude.


TAP

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